Les journalistes Ibrahima Bah et Amadou Diouldé Diallo recouvrent leur liberté après une série d’actions de plaidoyer et de protestations

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest se félicite de la remise en liberté d’Amadou Diouldé Diallo, le 19 mai 2021, par un tribunal de Conakry, et en appelle aux autorités guinéennes pour qu’elles maintiennent la dépénalisation des délits de presse dans le pays.

Diallo, journaliste à la radio-télévision publique (RTG), a été condamné à une amende de 5 millions de francs guinéens (420 euros) pour “outrage au chef de l’État”. Le chef d’accusation porte sur les propos tenus par M. Diallo, journaliste de la RTG, sur la radio Lynx FM, une station privée, le 27 février 2021. Le journaliste aurait accusé le Président d’incitation à la division ethnique dans le pays.

En dépit de l’abolition des peines de prison pour les délits de presse en Guinée, Diallo a été incarcéré pendant 81 jours. L’affaire a suscité une avalanche de protestations et d’actions de sensibilisation.

“Le plus curieux, c’est que, bien que la loi L2010 02 CNT du 22 juin 2010 sur la liberté de la presse ne prévoie ni la garde à vue ni l’emprisonnement, le tribunal n’a pas pour autant libéré le journaliste”, a fait remarquer la MFWA, après que le procureur n’a demandé que des sanctions pécuniaires lors d’une comparution au tribunal le 13 avril.

“Nous maintenons que Diallo ne devrait pas être emprisonné pour avoir tenu de tels propos à la radio, car les délits de presse sont dépénalisés en Guinée”, a indiqué la MFWA dans une autre déclaration en soutien à une action de solidarité menée par un groupe de journalistes exigeant la libération de Dioulde.

Le groupe se faisant appeler Collectif de soutien à Amadou Diouldé Diallo a organisé le 31 mars 2021 ce qu’il a qualifié de marche virtuelle après que les autorités de kaloum (Conakry) leur ont refusé l’autorisation d’organiser une quelconque manifestation en signe de solidarité envers leur collègue détenu.  Ils se sont réunis à la Maison de la Presse pour lire une déclaration condamnant cette détention comme une violation de l’article 105 de la loi sur la liberté de la presse.

“En supposant que M. Diallo soit reconnu coupable d’outrage au chef de l’État, il ne pourrait être condamné qu’à une amende allant de 1 à 5 millions de Gnf, conformément à l’article 105 de la loi sur la liberté de la presse”, a soutenu le groupe.

La libération de Diallo intervient huit jours après que la Cour d’appel de Conakry a libéré un autre journaliste, Ibrahima Sadio Bah, avec une amende de 500 000 francs guinéens (environ 50 dollars). Il avait purgé trois mois et une semaine de sa peine totale de six mois prononcée le 4 février 2021. Il avait été reconnu coupable de diffamation, d’injures publiques et de dénonciation calomnieuse à l’encontre du président de la Fédération guinéenne de football, Mamadou Antonio Souaré. Les chefs d’accusation portaient sur un article critique publié sur Facebook concernant le mandat de Souaré.

Sa détention a provoqué de nombreuses actions de la part d’associations de presse et d’organisations de défense de la liberté de la presse en Guinée et bien au-delà.  Par exemple, la Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest (MFWA), de concert avec son partenaire, l’Association Guinéenne des Éditeurs de Presse Indépendants (AGEPI), ont fait appel aux autorités guinéennes le 3 mai 2021 pour la libération pour des raisons humanitaires d’Ibrahima Sadjo Bah et d’Amadou Dioulde Diallo, qui était également détenu pour insulte au chef de l’État.

Les associations de presse de Guinée ont également plaidé auprès du ministre de la Justice, Mory Doumbouya, avocat de profession, pour la libération d’Ibrahima Sadjo Bah. Après sa libération, le ministre a déclaré :

“Notre position est plus qu’évidente. La loi applicable aux délits de presse est la loi sur la liberté de la presse. Chaque fois que nous sommes informés d’anomalies, de cas de mauvaise interprétation ou d’interprétation erronée de la loi, les procureurs concernés seront instruits afin que justice soit faite. Et c’est ce qui vient d’être fait. Le procureur général près la Cour d’appel de Conakry vient de rendre justice dans le cas d’Ibrahima Sadio Bah. En effet, on ne peut pas opter pour la dépénalisation des délits de presse, s’il faut ensuite trouver des raccourcis ou des formules de compromis pour contourner le cadre légal et recourir à des moyens artificieux pour appliquer des dispositions qui ne sont pas celles qui doivent être appliquées en matière de sanction des délits de presse”, a déclaré le ministre de la Justice.

Nous saluons la libération du journaliste Sadio Bah et saluons les efforts des médias guinéens aux côtés d’organisations internationales telles que la MFWA, qui ont porté leurs fruits. Cependant, la MFWA maintient fermement que les journalistes n’auraient pas dû être emprisonnés en premier lieu, compte tenu de la dépénalisation de la diffamation en Guinée. Nous exhortons le ministre de la Justice à prendre des mesures idoines pour empêcher les poursuites pénales contre les journalistes pour calomnie et diffamation.

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