La junte burkinabè interpelle, emprisonne un activiste pour « outrage au chef d’État »

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est indignée par la détention de Kambou Ollo Mathias sur accusation de lèse-majesté, et appelle les autorités burkinabè à libérer immédiatement l’activiste tout en veillant au respect du droit à la liberté d’expression. 

L’activiste, connu sous le pseudonyme « Kamao », a été interpellé le 5 septembre 2022 par des gendarmes habillés en civil à la sortie d’une émission spéciale sur la radio Oméga, où il s’est prononcé sur le bilan de la transition qui a été présenté à la nation par le président de la junte au pouvoir, le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. 

« Celui qui dit être une solution, se trouve être aujourd’hui le problème. Lui et son MPRS sont devenus un problème dans un problème. Qu’est-ce qu’ils ont fait quand ils sont arrivés ? C’est de la politique politicienne pure.  L’agenda qui s’est réalisé pendant ces 7 mois, ça été l’agenda de la réconciliation nationale, l’agenda de la diversion politique, rien de grand ne s’est focalisé sur la question sécuritaire », a déclaré Kamao en parlant des manquements de la junte face aux promesses du président. 

« Ce n’est pas un bilan qui a été fait hier, ce qui a été fait hier est une insulte au peuple burkinabè. On peut bien imaginer leur gène à faire un bilan parce que c’est un échec total », a renchérit l’activiste qui est membre du Balai Citoyen, un mouvement de la société civile revendiquant une « vraie démocratie au Burkina ». 

Kambou Ollo Mathias, également du mouvement Mobilisation des intelligences pour le Faso (M.I.Fa), a été placé sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) le 6 septembre 2022 après présentation au procureur du Faso pour « outrage au Lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba », le chef d’Etat militaire.  

Selon ses avocats, le militant est poursuivi pour « outrage au chef de l’Etat » concernant des propos similaires publiés sur les réseaux sociaux.  

L’arrestation de Kambou a suscité de vives critiques et un soulèvement généralisé. Son mouvement, le Balai Citoyen a manifesté et protesté le 6 septembre 2022 à Ouagadougou pour dénoncer et condamner son interpellation.  

Dans une publication sur la page Facebook du mouvement, Zinaba Rasmané, responsable de mobilisation au sein de la coordination nationale du Balai Citoyen, a déclaré que « Ces genres d’arrestation cavalières ne sont pas du fait des Républiques qui se respectent. On est porté de penser que c’est une manière de casser le rythme de la mobilisation aujourd’hui des masses populaires par rapport à tout ce que nous voyons en termes de ratés dans la gouvernance ».  

Au cours d’une interview avec la MFWA, le Centre National de Presse Norbert Zongo (CNP-NZ), à travers son gestionnaire, Abdoulaye Diallo, a déclaré que cet incident est « dangereux pour les médias parce que les médias sont dans leur rôle de recevoir des invités, de commenter l’actualité. Si les gens doivent se faire enlever quand ils viennent aux émissions, c’est très dangereux. Personne ne voudra plus venir participer des émissions. C’est une violation de la liberté de la presse ».  

La MFWA est extrêmement préoccupée par la velléité de répression de la liberté d’expression de la part la junte au pouvoir. A titre de rappel, le 15 mars 2022, le gouvernement de la transition au Burkina Faso a menacé dans un communiqué fortement controversé qu’en « tout état de cause, Il n’y aura pas d’impunité pour les auteurs de publications et autres agissements à caractère subversif, portant atteinte à l’ordre public, à la cohésion sociale et au moral des troupes ».  

De plus, dans son discours du 4 septembre 2022, le président de la junte a également qualifié certains médias de dangereux outils de subversion qui balloteraient de toutes parts le peuple par des « officines obscures cachées derrière certaines technologies ». 

Nous exhortons vivement la junte au pouvoir à mettre fin aux intimidations des voix dissidentes dont les droits et libertés civiles fondamentales pourraient être fortement compromises. Cet incident qui suggère la suppression de la liberté d’expression et d’opinion marque d’un sceau indélébile l’état délétère de la démocratie dans le pays. 

En tout état de cause, les Loi N°059-2015/CNT et N°058-2015/CNT portant respectivement régime juridique de la radiodiffusion sonore et télévisuelle et régime juridique de la presse en ligne au Burkina Faso ne prévoient aucunement des peines privatives de liberté pour les charges portées contre Kamao. 

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