Burkina Faso : Une mise en garde contre les fausses nouvelles suscitent de vives réactions

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest est extrêmement préoccupée par le communiqué du gouvernement burkinabè menaçant de punir les « publications à caractère subversif » et appelle les autorités militaires à respecter toutes les libertés fondamentales, y compris la liberté d’expression en ligne.

Le tout nouveau gouvernement de la transition au Burkina Faso a annoncé dans un communique le 15 mars 2022 qu’il n’y aura pas « d’impunité » pour les « auteurs de publications et autres agissements à caractère subversif ».

Selon le colonel-major Omer Bationo, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité, l’engagement et l’unité des Forces de défense et de sécurité dans la lutte anti-terroriste sont compromis par de fausses informations disséminées sur les réseaux sociaux. Par conséquent, le colonel-major Omer Bationo a vivement et fermement mis en garde les auteurs éventuels de fausses nouvelles après avoir appelé tout le peuple au patriotisme et à une citoyenneté responsable visant à préserver la paix, la cohésion sociale et l’ordre public dans ce climat teinté par l’effroyable violence et la terreur des exactions terroristes.

« Aucune tolérance ne sera faite à ceux qui veulent par leurs actes accroître la souffrance des populations déjà meurtries », a déclaré le colonel-major après avoir affirmé qu’en « tout état de cause, Il n’y aura pas d’impunité pour les auteurs de publications et autres agissements à caractère subversif, portant atteinte à l’ordre public, à la cohésion sociale et au moral des troupes ».

Ces avertissements ont été négativement accueillis par la majorité des citoyens, indépendamment de toute la bonne volonté et du bon sens qui pourraient les sous-tendre. Le public y voit et dénonce une tentative d’intimidation de la junte.

Sandrine Sawadogo Delwende, journaliste d’investigation, pense que ce genre de communiqué au ton menaçant ne suffira pas décourager une presse vibrante.

« Nos médias sont sérieux dans la diffusion de l’information. A moins d’une loi purement restrictive, tant que l’information est juste nous allons la publier », a-t-elle confiée à la MFWA au cours d’une conversation téléphonique.

Boukari Ouaba, journaliste-rédacteur en chef du journal Mutations s’est indigné sur son mur Facebook de la mise en garde du gouvernement. Selon le journaliste, le communiqué se veut intimidateur, et loin d’être un exemple en termes de bonne gouvernance.

« Notre problème ce n’est pas les réseaux sociaux, car voyez-vous, il n’y a jamais eu (en tout cas pas encore) une attaque du Burkina Faso sur les réseaux sociaux. C’est du virtuel. La réalité c’est sur le terrain et donc notre problème, votre problème c’est le terrain, » a-t-il écrit

Ouaba a conseillé aux militaires de quitter les réseaux sociaux s’ils se croient susceptibles d’y être démoraliser.

« Qu’est-ce qu’un militaire qui est au front cherche sur Facebook au risque de se faire ‘démoraliser’ ?  Quittez les réseaux sociaux Monsieur les Colonels. »

« Au lieu de s’asseoir à Ouaga pour menacer les gens, ce qu’on vous demande c’est de libérer nos villages, c’est de restaurer l’intégrité territorial de ce pays conformément à l’engagement que vous avez LIBREMENT pris », déclare-t-il sur son murs Facebook.

La MFWA condamne fermement tout acte de la junte au pouvoir qui pourrait instaurer un climat de peur et d’auto musèlement au sein de la presse et du public. Bien que nous ne cautionnions aucunement la dissémination de fausses informations, nous restons convaincus que la lutte contre le terrorisme n’est pas un prétexte pour réprimer la liberté d’expression, la liberté de la presse et l’accès des citoyens aux informations.

La lutte contre le terrorisme et les préoccupations sur les fausses informations au Burkina Faso a ouvert la porte à plusieurs violations des libertés fondamentales des citoyens et celles de la presse. Sous le régime du président déchu, Roch Marc Christian Kaboré, cette lutte effrénée a favorisé la mise en application de lois liberticides, des repressions brutales des manifestations, des interruptions rétrogressives et inopinées d’internet, la suspension d’organes de presses, des limitations d’accès à l’information et a plusieurs tentatives d’intimidation.

Le 23 janvier 2022, un jour avant le coup d’État au Burkina Faso, l’accès à l’Internet mobile a été coupé pendant 35 heures. Les autorités avaient interdit les manifestations et la police a fait respecter cette interdiction en utilisant des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants, arrêtant plus de 30 personnes.

La MFWA exhorte de ce fait les nouvelles autorités du Burkina Faso à éviter des actions susceptibles de mettre en péril et affaiblir les libertés civiles fondamentales, la liberté de la presse et l’accès à l’information.

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