Des journalistes arrêtés pour avoir manifesté contre la fermeture d’un média

Les autorités guinéennes sont appelées à abandonner toutes les charges pesant sur les treize journalistes qui participaient à la manifestation, et à garantir que les responsables des brutalités infligées par les agents de sécurité rendent des comptes pour leurs actes.

Dans un incident flagrant d’atteinte à la liberté de protester survenu le 16 octobre 2023, les autorités guinéennes ont agressé et arrêté treize journalistes qui tenaient une manifestation de soutien contre la suspension d’un média. Les vidéos consultées par la MFWA montrent un recours à une violence disproportionnée par les forces de l’ordre.

Le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) a initié une marche pacifique en protestation à la restriction du site « guineematin.com ». Ce site très suivi est inaccessible directement en Guinée depuis mi-août sans VPN (réseau privé virtuel).

Cependant, la marche pacifique qui devrait se tenir à Kaloum, l’une des six communes de Conakry, capitale de la Guinée, a très vite tourné au drame. Les forces de l’ordre ont violemment dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogènes.

« La débandade a commencé.  Des agents de sécurité mixte, ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes à bout portant sur nous. On était tous paniqués. On ne savait plus où aller car les gaz nous avaient déjà perturbé » le journaliste Foulamory Bah du site Lecourrierdeconakry.com, a narré à la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA).

Selon le Sécrétaire-Général du SPPG, Sekou Jamal Pendessa, au moins 13 journalistes ont été interpellés lors de cette descente musclée. Il indique également que trois journalistes ont été blessés, dont un grave tandis que plusieurs matériels ont été détruits.

La journaliste Mariama Bhoye Barry de Cavi Médias a été gravement touchée au coude par un projectile de gaz lacrymogène. Elle est tombée avec sa caméra en main, permettant ainsi aux agents des forces de l’ordre de la brutaliser avant de la jeter dans leur véhicule. Une autre journaliste, Mariam Sall du groupe Hadafo, a subi les mêmes atrocités.

Une autre victime, Foulamory Bah, a eu le cou fracturé, selon les résultats des examens médicaux.

« Au cours de mon arrestation, un policier m’a donné un coup à la nuque ; immédiatement j’ai perdu conscience. » Foulamory a confié à la MFWA.

Les journalistes ont été conduits manu militari au commissariat central de Kaloum où ils ont été longuement auditionnés. Sans le moindre soin pour les blessés, ils ont, par la suite, été déférés au Tribunal de Première Instance de Kaloum. Les autorités ont signifié aux journalistes qu’ils étaient poursuivis pour « participation à un attroupement illégal sur la voie publique », ce qu’ils ont tous rejeté.

Ils ont été relâchés dans la soirée et placé sous contrôle judiciaire en attendant d’être convoqués au tribunal la semaine prochaine à une date non précisée, selon leur avocat Me Salifou Béavogui.

Plusieurs jours après cet incident, les blessés continuent de souffrir pendant que les responsables de ces abus vivent la conscience tranquille dans une impunité totale.

« Aujourd’hui, je souffre énormément malgré que j’aie pris les produits. Le collier que j’ai mis au cou m’a beaucoup servi. Je n’ose pas tourner la tête. Dès que je la tourne, c’est comme si on était en train de déchirer mon cou avec une lame. Je demande justice. Je demande à ce qu’une enquête sérieuse soit ouverte pour identifier les agents qui ont commis cet acte horrible et qu’ils soient entendus devant les tribunaux et punis de leurs actes à hauteur de leur forfaiture » Foulamory a confié à la MFWA.

Le SPPG, la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), et l’Alliance des médias pour les droits humains (AMDH) ont condamné « ces violences gratuites commises contre des journalistes ».  Les trois organisations exigent également la levée de la restriction d’accès au site internet guineematin.com.

Le site d’information, qui produit des analyses critiques et une couverture de l’actualité en Guinée, est inaccessible à l’intérieur du pays depuis le 15 août 2023, privant ainsi de nombreux citoyens de leur droit fondamental à l’information. Bien que Nouhou Baldé, le fondateur du site, aie la ferme conviction que la restriction de son média est un acte de pure intimidation et une tentative de museler son média, il lui est ardu de d’identifier clairement une autre raison derrière l’interruption de son site.

« On pensait que le problème était technique. Mais après avoir échangé avec le webmaster et l’hébergeur, ils m’ont dit qu’il n’y a aucun problème technique et qu’il faudrait vérifier avec les fournisseurs d’accès à Internet », M. Baldé a confié à la MFWA lors d’une entrevue.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) se joint aux acteurs de la presse guinéenne pour condamner cette atteinte grave à la liberté de protester, ainsi que la violation du droit des citoyens guinéens à accéder aux informations provenant du site d’information assiégé. Nous exhortons les autorités guinéennes à mener des enquêtes impartiales afin d’appréhender les responsables et les poursuivre au pénal.

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