Un militant de l’opposition libéré après trois jours de garde à vue

La Fondation des Media Pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) salue la libération du lanceur d’alerte Bana Ibrahim par les autorités nigériennes et demande que les poursuites contre lui soient abandonnées.

Ibrahim a été interpelé le 13 septembre puis placé en garde à vue à la police judiciaire de Niamey suite à la publication sur son compte Facebook, le 12 septembre 2020, d’une affaire de passation de marché public au ministère de la justice. Il est poursuivi pour ‘’trouble à l’ordre public’’.

L’activiste et militant de l’opposition MODENFA LUMANA, a bénéficié d’une liberté provisoire le 17 septembre 2020. C’est dire que l’affaire pour laquelle il est interpellé reste pendante devant les tribunaux.  L’instruction suit son cours.  

« Dans le cadre de la surveillance citoyenne de la dépense publique, nous retenons cette fois-ci un Marché Public du ministère » a écrit Bana Ibrahim dans l’entame de ses écrits, objets de son interpellation.

Le militant activiste a posté sur la toile des informations sur la passation d’un marché (appel d’offre international N° 002/2020/MJ/ SG-DMP-DSP) ‘‘portant sur la construction de divers ouvrages de la nouvelle maison d’arrêt.  Il est composé de 12 lots et a eu pour attributaire provisoire l’entreprise Indienne (du Groupe Satguru) pour la somme de 11.544.068.194 FCFA Hors Taxes. 

 ‘‘Il est important de jeter un regard indépendant dans les conditions qui ont présidé à l’attribution de 10 lots sur 12 à l’entreprise Indienne Euro World (filiale du Groupe auquel appartient SATGURU dont les relents pour la surfacturation sont connus de tous en matière de billetterie pour les voyages) ’’

A sa sortie du tribunal des grandes instances de Niamey, Ibrahim, dans ses premiers mots aux journalistes, à remercier ceux qui l’ont soutenu y compris ses amis politiques. « J’’étais inculpé et mis en liberté provisoire (…) Je profite pour remercier tous ceux qui m’ont soutenus de par le monde; mes amis de la société civile ainsi que mes amis politiques » a-t-il dit.  Avant d’indiquer qu’il reste déterminé à se battre pour la transparence dans la gestion des deniers publics dans son pays.

Ibrahim n’est pas à sa première publication dénonçant des présumés cas de corruption dans la passation des marchés publics. Le 03 septembre 2020, il avait publié toujours sur son compte Facebook, avoir porté plainte contre x, une manière de dénoncer et d’alerter sur des cas présumés de malversations.

‘‘ Je viens de déposer officiellement plainte contre X pour détournement de deniers publics auprès du parquet de Niamey dans l’affaire d’acquisition par le ministère de la Santé Publique de 42 respirateurs artificiels sur la base d’un marché par entente directe avec la Société Togolaise STD S.A’’ a écrit Bana Ibrahim.

L’activiste et militant politique a fait l’objet de plusieurs interpellations pour ses publications sur les réseaux sociaux.

Le 28 mai 2019 Bana Ibrahim a été interpellé suite à une publication sur les réseaux sociaux mettant en cause la présidente de la Cour constitutionnelle.

La détention d’Ibrahim vient rallonger la liste des victimes de la loi portant sur la lutte contre la cybercriminalité adoptée en juin 2019 pour réprimer les délits de diffamation, fausses informations et autres publications sur les réseaux sociaux. Les journalistes Kaka Touda Mamane, Samira Sabou  et Ali Soumana ont été interpellés suite à des publications en ligne depuis mars 2020.

A la lumière de ces ‘‘ces comportements abusifs’’ (comme l’avait décrit
le gouvernement lors du conseil des ministres du 7 juin 2019), les autorités  d’un côté, se féliciteront d’avoir adopté la loi portant sur la cybercriminalité. De l’autre côté, ces interpellations auront confirmé les inquiétudes des journalistes, activistes et défenseurs de droits de l’homme que la loi ne serve de prétexte pour faire taire les critiques à l’encontre des autorités.  

La MFWA est préoccupée par l’utilisation croissante de la loi nigérienne sur la cybercriminalité de 2019 pour arrêter et détenir des journalistes et des militants pour des publications critiques en ligne. L’Internet et les médias sociaux en particulier sont devenus la plaque tournante non seulement de l’information sociale et du discours public, mais aussi des publications journalistiques. Le ciblage apparent de cet espace avec des lois vagues est donc régressif, en particulier pour un pays qui a dépénalisé les délits de presse et adopté une loi sur l’accès à l’information. 

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