Sierra Leone : Des manifestants tués, l’Internet coupé et un couvre-feu imposé lors de manifestations meurtrières

Le 10 août 2022, des manifestations antigouvernementales en Sierra Leone ont plongé le pays dans le chagrin et le chaos. Plusieurs personnes ont été tuées, dont au moins deux manifestants, l’internet a été interrompu et un couvre-feu a été imposé.

L’opposition a appelé à ces manifestations pour exprimer sa colère face à ce qu’elle décrit comme des difficultés économiques insupportables, une inflation élevée, une corruption endémique et des abus de pouvoir. Deux jours plus tôt (le 8 août), l’appel lancé aux citoyens à rester chez eux pour exprimer leur mécontentement a été suivi massivement : les rues étaient désertes, les marchés, les magasins et les écoles fermés, transformant la capitale Freetown en une ville fantôme.

Une marche de protestation organisée le mercredi 10 août a cependant mal tourné : les forces de sécurité ont affronté les manifestants dans une confrontation sanglante. Des jeunes ont brûlé des tas de pneus dans les rues, tandis que d’autres ont jeté des pierres sur la police. La situation est rapidement devenue incontrôlable, la police tirant à balles réelles. Les médias ont d’abord annoncé que trois personnes avaient été tuées, parmi lesquelles se trouvait un policier qui aurait été lynché.

Le gouvernement a imposé un couvre-feu à partir de 15h00 GMT pour empêcher les manifestations de se prolonger dans la nuit et pour endiguer les violences.

Le gouvernement a imposé un couvre-feu pour empêcher les manifestations

Afin de contrecarrer toute nouvelle tentative de mobilisation et de restreindre la circulation sur les réseaux sociaux des images du carnage, le gouvernement a interrompu l’accès à Internet. L’observatoire mondial de l’internet, NetBlocks, a confirmé la coupure. Les métriques de NetBlocks confirment une perturbation nationale des services Internet de plusieurs fournisseurs à travers la Sierra Leone depuis le matin du mercredi 10 août 2022. L’internet a été interrompu pendant deux heures à midi, puis à nouveau pendant la nuit, alors que des manifestations et des affrontements entre la police et les manifestants ont été signalés à Freetown, la capitale, et dans d’autres régions.

Un journaliste basé à Freetown, Ishmael Sallieu Koromo, a déclaré à la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) que la coupure avait duré jusque très tôt dans la journée de jeudi.

« Dans la nuit, je ne pouvais pas accéder à Internet à partir de mon téléphone, mais la connexion s’est rétablie au lever du jour, et je peux donc confirmer que l’Internet a été rétabli », a déclaré le journaliste lors d’une conversation téléphonique.

Le département Médias et Relations publiques de la police a confirmé dans un communiqué que : « à l’échelle nationale, quatre officiers de police sont morts et quatre ont été blessés ; 113 suspects ont été arrêtés dans les régions du Nord-Ouest et du Nord-Est à ce jour ; des biens publics et privés ont été détruits ». La déclaration dont a pris connaissance la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) n’a cependant pas fait état de la mort de civils.

La MFWA condamne la violence exercée par les deux parties au cours de la manifestation et demande qu’une enquête officielle soit menée sur les incidents afin de garantir la justice et de recommander des mesures pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir. Nous demandons instamment aux autorités sierra-léonaises de continuer à renforcer les capacités de la police en matière de contrôle des foules, conformément aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, approuvés par les Nations unies. Ces principes, entre autres, exhortent les gouvernements et les organismes chargés de l’application de la loi à développer des armes incapacitantes non létales à utiliser dans les circonstances adéquates.

Il est déplorable que cette réponse chaotique et répressive aux manifestations soit la deuxième en Sierra Leone en seulement un mois.

Le 4 juillet 2022, la police a agressé et arrêté des dizaines de femmes lors d’une répression de leur manifestation contre l’augmentation du coût de la vie.

Plusieurs vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré des femmes battues et molestées dans des postes de police par des policiers de sexe masculin. Un policier a été entendu en train de railler une détenue en lui disant : « Tu vas pourrir derrière les barreaux ».

Plus tard dans la même journée, la police a arrêté le Dr Femi Claudius Cole, leader du Parti de l’Unité, accusé d’avoir incité à une manifestation illégale. Elle a été détenue toute la nuit aux côtés du président du parti National Grand Coalition, le Dr Dennis Bright, qui s’était rendu au poste de police en signe de solidarité.

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