Promouvoir une gouvernance transparente et redevable par le biais de l’accès à l’information au Niger : Les 5 principales recommandations des principales parties prenantes

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) en collaboration avec son partenaire national l’Observatoire Nigérien Indépendant de l’Ethique des Médias (ONIMED) a organisé le 10 août 2021 un forum public sur le thème : Le rôle de l’accès à l’information pour une gouvernance transparente et redevable au Niger.

Le forum a réuni des journalistes, des avocats, des OSC de lutte contre la corruption, des groupes/associations de journalistes et le bureau du médiateur de la République. Parmi les personnalités présentes au forum figuraient, entre autres, M. Ali Seydou, représentant du ministre de la Communication et chargé des relations publiques, et M. Mustapha Kadi, représentant du Médiateur de la République.

Les réflexions et les débats ont porté sur l’état actuel de la mise en œuvre de ladite loi au Niger, les nouveaux défis auxquels est confronté le bureau du médiateur de la République dans l’application de la loi, son importance et la manière dont elle peut être utilisée afin d’améliorer la redevabilité et la transparence, la voie à suivre pour améliorer sa mise en œuvre et son utilisation. Après quatre heures de discussions, les participants ont formulé les cinq recommandations clés suivantes :

  • Le bureau du médiateur de la République et les OSC devraient lancer des campagnes de sensibilisation du public sur la loi :

La loi sur l’accès à l’information publique a été adoptée au Niger depuis 2011, cependant, un nombre limité de journalistes et de fonctionnaires dans le pays ont connaissance de son existence et de son utilisation. Les citoyens et les journalistes sont essentiels à la mise en œuvre efficace de la loi. Lorsqu’ils seront conscients de l’importance de la loi, les citoyens seront en mesure de l’utiliser pour demander des informations et, à long terme, exiger que les fonctionnaires rendent des comptes et que les affaires publiques soient transparentes.

Le bureau du médiateur de la République, en tant qu’institution chargée de veiller à la bonne mise en œuvre de la loi, et les OSC doivent donc lancer des campagnes d’éducation populaire et sensibiliser le public sur l’existence de la loi, son importance et la manière dont elle peut être utilisée pour exercer leurs droits constitutionnels d’accès à l’information.

  • Le bureau du médiateur de la République et l’organisation de développement des médias devraient renforcer les capacités des médias et des fonctionnaires dans l’utilisation de la charte :

L’un des problèmes soulevés lors du forum est que les fonctionnaires et les journalistes nigériens ont une faible capacité à utiliser la charte. Alors que les fonctionnaires peinent à définir clairement leur rôle en tant qu’agents d’information, la manière de traiter une demande d’information, les droits et les frais, etc., les journalistes, quant à eux, ont du mal à comprendre la loi, la manière d’introduire une demande d’information, la durée du traitement de l’information, les exemptions, la procédure d’appel, etc. Cette situation a souvent conduit les journalistes à recourir à de simples appels téléphoniques pour accéder à l’information et, souvent, les demandes formulées oralement par téléphone sont rejetées. Au fil du temps, cette situation a créé un climat d’hostilité entre les médias et les agents publics.

Si les deux parties comprenaient mieux la charte et leurs rôles respectifs, cela contribuerait à sa mise en œuvre harmonieuse, réduirait l’opacité administrative du côté du gouvernement, générerait une plus grande proactivité dans la divulgation des informations et permettrait aux journalistes d’accéder aux informations pour produire des rapports basés sur des faits et jouer correctement leur rôle de chien de garde. Les principales parties prenantes présentes au forum ont exhorté le bureau du médiateur de la République et les organisations de développement des médias à organiser conjointement des formations de renforcement des capacités à l’intention des chargés d’information et des journalistes.

  • Améliorer le système d’archivage :

Un aspect essentiel de l’accès à l’information est le système d’archivage. Au Niger, chaque institution publique archive annuellement les documents administratifs à l’Office national des archives. Parmi les documents archivés figurent les contrats, les rapports, les examens budgétaires, les allocations budgétaires, etc. Toute information demandée peut être trouvée dans les archives nationales. Un système d’archivage solide est considéré comme une condition préalable à l’accès à l’information. La tenue d’un système d’archives bien structuré permet non seulement d’améliorer la qualité de l’administration publique et de prévenir la manipulation et la destruction de l’information, mais aussi de faciliter le processus de demande et d’accès à l’information.

Cependant, au Niger, les documents archivés sont en danger car le bureau des archives nationales a été inondé à plusieurs reprises, plusieurs documents ont été détruits et le bâtiment est actuellement à risque d’incendie. En outre, le Conseil des archives du Niger, qui est l’organe chargé de superviser le système d’archivage national, n’est pas opérationnel. L’état lamentable dans lequel se trouvent les archives au Niger est un facteur qui contribue à la mise en œuvre limitée de la charte sur l’accès à l’information, car les informations demandées sont introuvables.

Dans ce contexte, le gouvernement est invité à organiser une réunion avec le Conseil des archives pour faire le point sur la situation, fournir des ressources au bureau des archives nationales pour améliorer la sécurité de ses installations, accélérer le processus de numérisation des archives et assurer une conservation adéquate des dossiers afin de garantir la protection des documents et de faciliter l’accès à l’information.

  • Adopter le décret complémentaire sur l’accès à l’information :

Suite à l’adoption de la Charte sur l’accès à l’information, plusieurs parties prenantes ont soulevé un certain nombre de préoccupations. Certaines d’entre elles concernaient le manque de clarté sur les frais à facturer par une institution pour fournir des informations, la manière dont les sanctions devraient être imposées aux fonctionnaires qui ne fournissent pas d’informations, etc. Sur la base de ces défis, le bureau du médiateur de la République, avec la contribution de plusieurs parties prenantes, a rédigé un décret qui doit complémenter la charte et faciliter le processus d’accès à l’information. Cependant, le décret a été rédigé il y a quelques années et attend d’être adopté par le gouvernement. Les parties prenantes et les institutions du forum qui partagent les mêmes idées appellent le gouvernement à adopter le décret afin de dissiper certains malentendus dans l’interprétation et l’application de la loi. Cela contribuera à la mise en œuvre harmonieuse de la charte.

  • Adopter une loi protégeant les lanceurs d’alerte :

Les lanceurs d’alerte au Niger ont subi au fil des ans des attaques, des persécutions et des intimidations. Un tel contexte a, au fil des ans, instillé la peur chez les agents de la fonction publique et créé une culture du secret. Cela a conduit à la création et à l’utilisation d’une expression populaire au Niger, « secret professionnel », lorsqu’un fonctionnaire n’est pas disposé à divulguer une information ou n’est pas à son aise pour le faire. En 2019, le Niger ne disposait pas d’instruments juridiques pour protéger les dénonciateurs et dans l’Indice de défense de la gouvernance de Transparency International publié en 2020, le Niger a obtenu la note la plus basse (F8) en matière de protection des dénonciateurs. L’adoption d’une loi pour protéger les lanceurs d’alerte peut créer un environnement favorable à la divulgation d’informations, susciter des enquêtes de la part des journalistes et, à long terme, garantir la responsabilité publique et la transparence. Le gouvernement doit donc adopter une loi protégeant les dénonciateurs.

La réunion a également vu le lancement d’un manuel pour les journalistes sur l’accès à l’information et d’un atelier de formation qui a permis d’améliorer les compétences et les connaissances des journalistes concernant la loi sur l’accès à l’information et la manière de l’utiliser pour réaliser des reportages pertinents.

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