Reportage : Face-à Face avec Me Salifou Beavogui, Défenseur Infatigable des Journalistes, Activistes Persécutés

C’est dans la presqu’île du Kaloum, dans un quartier populeux situé près de la Présidence de la République que Me Salifou Beavogui a ouvert son cabinet d’avocat ; un lieu symbolique comme pour souligner son attachement aux gens ordinaires. Un cabinet modeste animé par une équipe de jeune sortant des Universités de droit. Dans le bureau de Me Salifou Beavogui, il n’y a pas grand luxe. C’est un modeste bureau dans lequel se trouve ses dossiers, et sa bibliothèque dans laquelle est rangée une pile de papiers.

Me Beavogui est peut-être l’avocat le plus médiatisé en Guinée, une notoriété acquise largement sur la base de ses nombreuses interventions en faveur des journalistes, activistes et citoyens lamda dont les droits sont violés.

Né le 13 octobre 1971 à Conakry, cet avocat est rentré à l’école élémentaire en 1981 dans la Préfecture de Macenta, située à quelques 800 km au sud de la Guinée, il a fait ses premiers pas d’apprenant à l’école Primaire Zegbela Togba de Macenta.

En 1986, il décroche le CEP et continue au Collège Ouenzin Coulibaly de 1987 à 1989. En 1989, il décroche de brevet et rentre au Lycée Amilcal Cabral de Macenta, Préfecture située dans le sud. Fin 1992, il décroche son baccalauréat. En 1996, il sort avec un diplôme de maitrise en droit privée de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. En Aout 1996, Me Beavogui s’est lancé à la recherche d’un cabinet d’avocat qui pouvait pour un stage. Il tenait coute que coute à être dans le monde judiciaire.

Assis dans son fauteuil, derrière son bureau, plongé dans la recherche d’un document dans une pile de dossier, il nous a dit les raisons qui l’ont amené à être avocat.

« Mon défunt père François Mohamed Lamine Beavogui fut juge de paix pendant 35 ans. Il a servi à Dalaba, Forecariah, Mamou, Yomou, Beyla et Macenta. Il a pris sa retraite en 1984. Chaque fois, je le trouvais en train de juger. C’est resté gravé dans ma tête et j’ai tenu à faire le Droit. Pour défendre des innocents condamnés le plus souvent. Parce qu’autant de la révolution, mon papa m’a dit beaucoup de chose là-dessus, les décisions étaient déjà prises, avant même que les débats n’aient lieu. Les peines étaient déjà connues. C’est le bureau politique national qui décidaient, le juge était là bouche cousue, n’était là que pour prononcer les sentences me disait mon papa ».

C’est en février2018 que Me Salifou Beavogui a été agrée en tant qu’avocat. Après, il a passé le concours d’accès à la profession.

«J’ai eu la chance de décrocher ce concours avec mention « excellent ». Après, je suis allé à l’école internationale des barreaux de Paris. Une bourse de Egid pour faire une formation. Depuis mon retour en 2000, je suis installé à mon propre compte et j’évolue dans la profession avec courage et abnégation ».

Au fil des ans, Me Salifou Beavogui s’est forgé la réputation d’avocat défenseur des plus faibles, les plus démunis. Il est toujours entre deux prétoires, ayant entre les mains des dossiers de personnes démunies, impuissantes face au pouvoir public. Il défend toutes les catégories sociales professionnelles. Il se saisit des dossiers des démunis et les défendent à titre gracieux

« Je suis très allergique à l’injustice. Et mon problème, ce n’est pas le riche, ou les nantis, ou le pouvoir, l’homme fort, l’homme célèbre. Ce sont mes concitoyens qui sont brimés dans leur droit. Qui sont sans défense.  J’aurai été l’un des avocats les plus riches, n’eut été le fait que pratiquement, les syndicalistes, les politiciens, les activistes de la société civile, les journalistes sont des personnes ne sont pas riches, et moi je suis de leur côté. Et pourquoi ? Chaque fois que les libertés sont confisquées de façon délibérée, dans l’injustice ; chaque fois que ce n’est pas le droit qu’on veut appliquer, mais plutôt, on veut brimer les citoyens pour ses convictions politiques, économiques, sociales, philosophes, je ne le supporte pas. Rares sont les préfectures ou je n’ai pas été pour défendre des citoyens qui ont été injustement privée de leur liberté pour leur opinion. Donc, ce sont des personnes démunies, qui n’ont aucun mais qu’on ne peut pas laisser avec la redoutable machine judiciaire qui ne peut que les broyer. A travers nos interventions dans les cours et tribunaux, nous parvenons à limiter beaucoup de dégâts. Nous parvenons à faire plier le parquet qui est notre adversaire » a expliqué Me Salifou Beavogui

De nombreux journalistes guinéens ont frôlé la prison, mais ont été sauvé de cette prison par Me Salifou Kebé. Il est en tête de peloton de tous les fronts des avocats pour défendre les journalistes et les leaders d’opinion

« Je ne peux même pas compter le nombre de dossiers de journalistes que j’ai défendus. Beaucoup de journalistes ont échappé à la répression parce qu’ils ont fait leur travail d’information. Ils ont touché des intérêts intouchables. Chaque fois qu’un journaliste est arbitrairement poursuivi parce que tout simplement il a fait son travail. Je suis là toujours pour le défendre. Les activistes de la société civile, on n’en parle même pas. Et ça me fait beaucoup d’animosité dans le milieu judiciaire. Ça me donne un sentiment de joie d’avoir défendu les journalistes, les activistes ». Pour Me Salifou Beavogui

« L’Etat de droit ne peut pas se construire sans la liberté d’expression » soutient-il. Et c’est fidèle à cette conviction qu’il continue d’œuvrer pour empêcher des milliers de guinéens d’aller en prison

« Il y a des clients qui viennent me voir, maitre nous voulons te confier des dossiers. Mais, il parait que tu es contre le pouvoir. C’est Dieu qui me fait vivre. Les rares clients qui me font confiance. Ce n’est pas facile. Ça me fait perdre beaucoup de dossier. Mais, je reste lucide nous a-t-il dit.

Beavogui dit avoir défendu 73 cas de journalistes et d’activistes de la société. Et parmi tous les dossiers des journalistes défendus c’est celui du journaliste Moussa Moise Sylla qui a le plus retenu son attention dans l’affaire appelée Nabayagate. Dans ce dossier, Moussa Moise et trois autres journalistes avaient été cités à comparaître devant le Tribunal de Première Instance en diffamation. A l’entame du procès, le Tribunal a constaté qu’il ne pouvait pas y avoir de poursuite dans une poursuite et qu’il fallait attendre que les poursuites déclenchées par le ministère public autour des 200 milliards de francs guinéens soit d’abord éclairci avant qu’une poursuite soit engagée contre les journalistes pour diffamation. « Les journalistes n’ont été que des lanceurs d’alertes, source d’information, qu’on ne peut pas poursuivre les sources d’information » avait argumente l’avocat et d’ajouter ; « Ce dossier a retenu mon attention parmi d’autres. »

Le cas le plus récent est celui de Habib Marouane Camara, de  » Africa 2015 qui doit faire face le 10 mars à un procès dans lequel un ministre de la République, en l’occurrence Sanoussy Bantama Sow, le ministre actuel des Sports est plaignant. Pour diffamation et injure. Nous nous sommes battus pour que la loi sur la liberté de la presse soit appliquée au détriment de la loi sur le code pénal. C’est ce qui lui a fait éviter l’emprisonnement. Sinon, il se serait retrouvé en prison

Parmi les dossiers que j’ai défendu ces derniers temps c’est celui de l’activiste de la société civile Saikou Yaya Diallo. Il a été interpellé en septembre, octobre 2020. Placé sous mandat dépôt par le juge d’instruction de Dixinn. On a immédiatement relevé appel, j’ai saisi la chambre de contrôle de l’instruction qui avait en toute indépendance ordonné sa remise en liberté. Et conformément à l’article 294 du code de procédure pénale, cette décision de mise en liberté est insusceptible de tout recours et mérite d’être exécutée. Et contre toute attente, le procureur général avait relevé appel contre une décision non frappable d’appel. Suite à cet acte, notre client est malheureusement parti en prison jusqu’au moment où la décision est intervenue sur le fonds en décembre. En toute légalité, le juge l’a maintenu en prison. Il a finalement été libéré.

Lorsque nous quittions son cabinet après cette interview, il préparait la défense d’un prédicateur, imam Malinké originaire de l’Est de la Guinée qui a maille à partir avec les autorités religieuses parce qu’il souhaite faire prier les fidèles musulmans dans sa langue maternelle. « Au nom de la liberté du culte, la liberté d’expression, j’irai à Kankan pour défendre cet érudit » a-t-il promis.

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