L’impunité perdure après l’agression d’un militant critique par un garde présidentielle

Plus de trois mois après l’agression dont a été victime l’avocat et commentateur politique, Marcelino Intupé, de la chaîne privée Rádio Bombolom basée à Bissau, aucun des auteurs n’a été traduit en justice.

Ses agresseurs présumés, dont un garde présidentiel, jouissent d’une liberté totale et d’une impunité manifeste.

Intupé a dû se cacher le 9 décembre 2022 par crainte pour sa sécurité après que des hommes non identifiés se sont présentés à son domicile pour la troisième fois. Quelques jours plus tôt, le 5 décembre, des hommes armés ont ouvert le feu sur le domicile de Intupé, après une conférence de presse au cours de laquelle il a identifié Tcherno Bari, chef de la sécurité du président guinéen, comme le responsable d’une attaque contre lui.

Le 29 novembre 2022, des hommes armés non identifiés et habillés en civil ont agressé et enlevé Intupé à son domicile de Bissalanca, près de Bissau. Les assaillants auraient porté à la victime un coup à la tête avec leur fusil, le faisant saigner. Ils l’ont ensuite traîné dans une camionnette et se sont enfuis.

Certains membres de la famille d’Intupé, témoins de l’incident, ont suivi le véhicule des ravisseurs et ont tenté désespérément d’alerter les voisins. Les hommes armés ont fini par arrêter leur camionnette, ont emmené Intupé dans la rue et l’ont roué de coups de pied à plusieurs reprises. Intupé a ensuite été emmené à l’hôpital militaire principal de Bissau pour y être soigné.

Interrogé par la présidente du Sindicato de Jornalistas e Tecnicos de Comunicação Social (SINJOTECS), partenaire de la MFWA en Guinée-Bissau, l’analyste politique a déclaré que ses agresseurs, qui n’étaient pas cagoulés, l’ont interrogé.  Intupé a pu reconnaître M. Bari, qui s’est identifié comme « Tcheninho ».

Selon le commentateur politique, M. Bari lui a également demandé « qui t’a autorisé à faire cette vidéo ? », une référence apparente à une séquence vidéo d’une émission animée plus tôt le même jour de l’attaque et publiée sur Facebook.

Commentateur critique des affaires politiques et juridiques de la Guinée-Bissau sur Radio Bombolom FM, Marcelino Intupé a commenté certains sujets d’actualité, notamment une marche à laquelle Tcherno Bari a participé, au cours d‘Alô Guiné (Bonjour Guinée), une émission de radio hebdomadaire sur l’actualité du pays.

Intupé, dans la même émission de radio, a également fait des commentaires sur la création d’un tribunal ad hoc pour le procès des suspects impliqués dans la tentative de coup d’État du 1er février 2022. Il est par ailleurs l’avocat assurant la défense de 18 des 25 personnes détenues pour leur implication présumée dans le coup d’État.

Le 21 décembre 2022, Margaret Satterthwaite, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, a demandé au gouvernement de Guinée-Bissau d’indiquer les mesures prises pour garantir la sécurité d’Intupé dans l’exercice de sa profession d’avocat en Guinée-Bissau, en particulier dans le cadre du procès des suspects impliqués dans la tentative de coup d’État du 1er février 2022.

Pendant ce temps, Intupé a déclaré à la MFWA dans un chat sur la plate-forme de messagerie qu’il ne croit pas que le gouvernement ferait des efforts pour assurer sa sécurité, et donc il a pris la précaution de quitter la juridiction pour le moment.

Cet incident s’ajoute à une culture croissante de l’impunité en Guinée-Bissau, où les intimidations, les enlèvements et les attaques contre les voix critiques deviennent monnaie courante. Dans la plupart des cas, les auteurs de ces actes ne sont ni identifiés ni poursuivis pour leurs actes.

Parallèlement, Intupé a déclaré à la MFWA, lors d’une discussion par messagerie, qu’il ne croit pas que le gouvernement fera des efforts pour assurer sa sécurité, et qu’il a donc pris la précaution de quitter la juridiction pour le moment.

Cet incident vient s’ajouter à une culture croissante de l’impunité en Guinée-Bissau, où les intimidations, les enlèvements et les attaques contre les voix critiques deviennent monnaie courante. Dans la plupart des cas, les responsables de ces actes n’ont été ni identifiés ni poursuivis pour leurs actes.

Par exemple, le 10 octobre 2022, Tiano Badjana, directeur par intérim de la station de radio privée Galáxia, s’est réfugié dans les locaux de la Mission catholique de Bissau, la capitale, pendant environ un mois, après qu’un groupe d’hommes armés en uniforme de police s’est rendu à la station de radio, puis à son domicile, pour s’enquérir de lui, mais ne l’a pas trouvé. Plus tôt le même jour, la station de radio basée à Pindjiguiti, un quartier de la capitale, avait diffusé un reportage sur une affaire présumée de trafic de drogue impliquant un fonctionnaire.

Le 8 février 2022, des hommes armés ont attaqué le domicile de Rui Landim, un panéliste de radio et analyste politique populaire. Les assaillants, armés d’AK-47, ont ouvert le feu sur le portail de la résidence de Landim après avoir tenté en vain de briser une section de la clôture. Les assaillants ont également lancé des gaz lacrymogènes dans l’enceinte.  Un jour avant l’attaque contre l’analyste politique et sa famille, Landim faisait partie d’un groupe de discussion lors de l’émission « Pontos nos Ís » (Point sur les I), diffusée par Radio Capital FM, où il a fait une analyse de la situation politique en Guinée-Bissau.

Le 9 mars 2021, des agresseurs non identifiés ont enlevé et agressé le journaliste et blogueur Antonio Aly Silva avant de l’abandonner dans la rue. Ils ont également saisi son téléphone portable.

Tout en condamnant ces violations, la MFWA est encouragée par le fait que le Président Umaro Sissoco Embaló a réagi à ce dernier incident. Dans une publication sur sa page officielle Facebook, le Président de la Guinée-Bissau, a condamné « l’acte barbare de violence » contre Intupé en disant que de tels cas de « violence constituent une menace pour la quiétude sociale » dans le pays. Le président a également exhorté les autorités compétentes à enquêter sur cet incident.

Nous nous joignons au président Umaro Sissoco Embaló pour condamner fermement l’agression physique et l’attaque contre l’avocat et le commentateur politique, et demandons aux autorités de mener une enquête approfondie sur la question. Nous pensons qu’il serait approprié pour le Président de suspendre Tcherno Bari de son rôle de garde présidentiel en attendant l’enquête.

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