Les juges et les députés ghanéens à déclarer leurs biens grâce au journalisme

Les juges des cours supérieures du Ghana et les membres du Parlement se bousculent pour faire connaître leur bien personnel à l’Auditeur général. La course à la déclaration des actifs se poursuit depuis mars 2022 alors que la marée de la redevabilité rappelle à l’ordre de nombreux fonctionnaires qui violaient la loi.

Ce qui a déclenché ce mouvement de panique est The Fourth Estate, un projet de journalisme de redevabilité de la Fondation des Média pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA). Dans le cadre d’un projet d’enquête visant à déterminer le niveau de conformité avec la loi ghanéenne sur la déclaration des biens (loi 550), des réponses ont été exigées.

Les journalistes de The Fourth Estate, utilisant la loi ghanéenne sur le droit à l’information (RTI), ont posé des questions aux institutions publiques pour savoir si leur personnel se conforme à la loi. En mars 2022, il a été spécifiquement demandé au service judiciaire de fournir une liste de tous les juges qui ont déclaré leurs biens conformément à la loi. C’est ce qui a déclenché la ruée des seigneurs de la loi.

La course effrénée de certains députés pour déclarer leurs avoirs a également suivi un schéma similaire – The Fourth Estate a écrit au Service d’audit en mars pour demander qu’on lui fournisse la liste des députés qui ont déclaré leurs avoirs.

Dans le cas des juges comme dans celui des députés, il semblerait qu’une tentative apparente d’éviter d’être interpellés et donc d’être considérés comme des hors la loi soit à l’origine de la ruée vers l’Auditeur général pour déclarer leurs biens après tant d’années de non-conformité.

Les Juges

En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, huit juges des cours supérieures se sont précipités auprès de l’Auditeur général pour déclarer leurs avoirs, après que The Fourth Estate a écrit au Service judiciaire pour demander des éclaircissements sur le statut de déclaration d’avoir de 15 juges.

Après avoir reçu une liste complète des juges en règle, The Fourth Estate a procédé à un tri et il est rapidement apparu que 8 des 15 juges en règle n’avaient fait leur déclaration qu’après l’enquête menée par la plateforme d’information en ligne auprès du service d’audit.

Parmi les juges non-conformes qui se sont empressés de déclarer leurs biens, se trouve la secrétaire judiciaire Cynthia Pamela Akotoaa Addo qui s’est empressée de déclarer ses biens le 30 août 2022, soit 13 jours après l’enquête de The Fourth Estate.

Les autres sont les juges de la Haute Cour, Gabriel Mate-Teye, qui a déclaré ses avoirs le 29 août 2022, 12 jours après la lettre de The Fourth Estate ; Mariam Saleh Sinare, qui a déclaré ses avoirs 12 jours après la lettre de The Fourth Estate; et la juge Cynthia Wiredu qui a déclaré ses avoirs le 26 août 2022, 9 jours après la lettre de The Fourth Estate.

Le juge Emmanuel Bart-Plange Brew a également déclaré ses biens 12 jours après la lettre de The Fourth Estate ; le juge William Osei-Kuffour a déclaré ses biens le 31 août 2022, exactement deux semaines après la lettre de The Fourth Estate ; le juge Douglas Seidu, 12 jours après la lettre de The Fourth Estate, et la juge Elfreda Amy Dankyi, le 26 août 2022, 9 jours après la lettre de The Fourth Estate.

Les Députés

Dans le cas des députés, le président de la Chambre des représentants, Le Très Honorable Alban Bagbin, a émis le 25 mai 2022 un décret demandant à tous les législateurs de faire le nécessaire après que The Fourth Estate a écrit une lettre au service d’audit pour demander que lui soit fournie la liste des députés qui respectent la loi sur la déclaration de biens.

Le Président du Parlement, Le Tres Honorable Alban Bagbin, a mis en garde les députés contre le non-respect de la loi sur la déclaration des biens

« Comme le dit le proverbe, la charité bien ordonnée commence par soi-même. En tant que chef constitutionnel et légal du Parlement, porte-parole, arbitre et garant de son autorité, de son indépendance et de ses privilèges, je m’engage à mener cet effort en montrant l’exemple », avait également promis le président du Parlement.

Bagbin s’est lui-même mis en conformité en 2013, 2017 et 2021.

Plus tard, le service d’audit répondra par les données du 17 mai 2022, montrant qu’un certain nombre de députés, y compris certains leaders du Parlement, n’avaient pas entièrement respecté la loi sur la déclaration des actifs.

Les données ont montré que 10 des 13 leaders de la Chambre avaient enfreint la loi sur la déclaration de patrimoine – un cas typique de législateurs qui enfreignent la législation.

Les contrevenants sont le premier vice-président, Joseph Osei Wusu ; le deuxième vice-président Andrew Asiamah Amoako ; le chef de la majorité, Osei Kyei Mensah Bonsu ; le chef adjoint de la majorité, Alexander Afenyo Markins ; et le chef adjoint de la minorité, James Klutse Avedzi.

Les autres sont le Whip en chef de la majorité, Frank Annoh Dompreh ; le premier adjoint du chef de la majorité, Lydia Seyram Alhassan ; et le deuxième adjoint, Habib Iddrisu.

Cependant, le chef adjoint de la majorité, Alexander Afenyo Markins, n’a fait sa déclaration que pendant une ruée de déclaration ultérieure.

Loi sur la déclaration de biens

L’article 286 (1) de la Constitution de 1992 stipule que « toute personne qui occupe une fonction publique mentionnée dans la clause (5) du présent article doit soumettre à l’Auditeur général une déclaration écrite de tous les biens ou actifs dont elle est propriétaire, ou des dettes qu’elle doit, directement ou indirectement (a) dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la présente Constitution ou avant d’entrer en fonction, selon le cas, (b) à la fin de tous les quatre ans ; et (c) à la fin de son mandat ».

La loi exige que le président, le vice-président, le président du Parlement, les vice-présidents du Parlement, les membres du Parlement, les ministres et vice-ministres d’État, les ambassadeurs, le président de la Cour suprême, les juges de la Cour supérieure, les juges de la Cour inférieure et les directeurs des institutions publiques dans lesquelles l’État a des intérêts soumettent à l’auditeur général des déclarations écrites de tous les biens ou actifs qu’ils possèdent ou des dettes qu’ils ont, de manière directe ou indirecte.

La Constitution exige que la déclaration soit faite avant que l’agent public n’entre en fonction. Toutefois, la section 1(4)(c) de la loi sur les titulaires de charges publiques (déclaration de patrimoine et déchéance) impose aux titulaires de charges publiques de satisfaire à cette exigence « au plus tard six mois après leur entrée en fonction, à la fin de chaque période de quatre ans et au plus tard six mois à la fin de leur mandat ».

La loi est faible et insatisfaisante pour la MFWA

La Constitution interdit cependant la divulgation publique des biens déclarés par les titulaires de fonctions publiques, à moins qu’elle ne soit exigée comme preuve par un tribunal compétent, une commission d’enquête nommée en vertu de l’article 278 ou devant un enquêteur nommé par le Commissaire aux droits de l’homme et à la justice administrative (CHRAJ).

La déclaration, selon la loi, doit être faite en secret à l’Auditeur général.

Ce secret autorisé par la loi est à l’origine d’un long débat, les partisans de la déclaration secrète des biens faisant valoir qu’elle évite aux titulaires de charges publiques d’exposer inutilement les détails de leur patrimoine à des criminels potentiels qui peuvent utiliser les informations qu’ils fournissent pour les voler.

Cependant, ceux qui s’opposent au fait que la déclaration de biens se fasse dans le secret, y compris la MFWA, soulignent que la déclaration de patrimoine est une exigence pour les titulaires de fonctions publiques, et non privées, et que par conséquent, toute personne aspirant à occuper une fonction publique devrait être prête à dire au public ce qu’elle possède.

À propos de The Fourth Estate

Projet de journalisme de redevabilité de la MFWA, The Fourth Estate fonctionne comme un journal en ligne dont la ligne éditoriale est résolument tournée vers l’investigation. Grâce à ce projet, la MFWA met les responsables devant leurs responsabilités et ravive l’engagement des médias envers le journalisme d’investigation professionnel au Ghana.

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