Guinée : Justice à l’horizon pour les 157 manifestants tués lors du massacre de 2009

Treize ans après le massacre du 28 septembre 2009 dans un stade de Conakry, la capitale guinéenne, le procès des principaux suspects s’ouvre enfin ce 28 septembre 2022.

Le 28 septembre 2009, des milliers de partisans avaient bravé l’interdiction de manifester décrétée par le Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD), la junte pilotée par le Capitaine Moussa Dadis Camara. Ils ont investi le stade, ça chantait, ça dansait, ça priait. Des slogans hostiles à la junte se scandaient lorsque, subitement, des militaires ont pris le stade d’assaut et ont ouvert le feu sur les manifestants.

On dénombre 157 morts, des centaines de femmes violées et plusieurs dizaines de personnes portées disparues, selon des organisations de défenses des droits de l’homme.

Quelques années après le massacre, 13 officiers de l’armée avaient été inculpés, mais non détenus. Ce 28 septembre 2022, huit d’entre eux sont détenus. Un est mort, deux autres sont inculpés par contumace.

Peu après sa prise du pouvoir le 5 septembre 2021, Colonel Mamady Doumbouya, le président du Conseil National de Rassemblement pour le Développement (CNRD) a promis d’organiser le procès du massacre du 28 septembre 2009.

 Il a nommé Charles Alphonse Wright, jusqu’à ce jour procureur général de la Cour d’Appel, Ministre de la justice et des droits de l’homme. Il lui a confié une mission précise : organiser le procès dans un délai qui ne dépasse pas le 28 septembre 2022. Il créé un comité de pilotage de tenue de ce procès et intercède pour la rénovation et l’équipement du Palais de justice qui doit abriter le procès.

Des magistrats et des greffiers en charge du procès ont été formés. Des moyens financiers et logistiques pour la tenue du procès ont été mis à disposition par le Colonel Mamadi Doumbouya. Tout est fin prêt pour l’ouverture du procès.

Le tout dernier acte posé dans le cadre de la matérialisation de ce procès aura été l’incarcération hier mardi 27 septembre 2022 du Capitaine Moussa Dadis Camara et 5 autres inculpés à la Maison centrale de Conakry. De plus, le procureur en charge du dossier a évoqué l’article du code de procédure qui exige le placement en détention des accusés inculpés pour mettre en prison le capitaine Moussa Dadis Camara, le Colonel Moussa Tiegboro Camara, le Général Abdoul Chérif, les colonels Mohamed Kalonso, Blaise Gomou et Claude Pivi. Ces six officiers de l’armée guinéenne ont passé leur 1ère nuit de détention à la Maison centrale de Coronthie.

Ces nouveaux développements dans le dossier de ce massacre réjouissent les familles des victimes et les victimes.

Toutefois, bien que dans son premier discours après le putsch du 5 septembre 2021, le Colonel Doumbouya ait promis que le sang d’aucun guinéen ne coulerait davantage, le Conseil National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) a changé de fusil d’épaule. La junte a aujourd’hui à son actif une dizaine de partisans de l’opposition tués par balles lors des récentes manifestations politiques que l’opposition et la société civile ont organisé pour amener la junte à décliner la durée de la transition. Des organisations internationales exigent également que ces militaires libèrent les détenus incarcérés. La cote de popularité du Colonel Doumbouya et sa junte tombe très vite au plus bas.

La junte actuelle au pouvoir en Guinée semble avoir la gâchette facile. Les tueries sous son égide ont replongé les Guinéens dans l’angoisse qui les avait quittées le jour du coup d’État contre Alpha Condé. En harmonie avec l’histoire de violence politique de la Guinée, la junte s’est engagée sur la voie d’une répression violente des manifestations et des rassemblements populaires, du harcèlement et d’arrestation tous azimuts de voix critiques et dissidentes.

Du 18 au 30 juillet 2022, au moins quatre personnes ont perdu la vie lors d’une répression meurtrière des manifestations par les forces de l’ordre guinéennes à Conakry, la capitale de la Guinée. Ces dernières n’ont pas lésiné sur les moyens de maintien de l’ordre en utilisant du gaz lacrymogène et en tirant à balles réelles sur les civils. Plusieurs blessés par balle ont été enregistrés et plus de 80 civils ont été interpellés.

Les nouveaux « libérateurs » qui sont désormais devenus les « bourreaux » ne sont guère différenciés de leurs prédécesseurs qui ont fait couler larmes et sang dans la faible démocratie guinéenne. À titre d’exemple, le régime de l’ex-président Alpha Condé qui a brillé aux couleurs sombres d’une série de violations flagrantes des principes de la démocratie et des droits de l’homme. Pour réaffirmer cet engagement et taire à jamais ne serait-ce que la moindre trace d’opposition, le gouvernement déchu a, entre autres mesures, fait passer au Parlement, le 6 juillet 2019, une législation controversée qui habilite les gendarmes à tirer à vue lors d’opérations d’ordre public et de lutte contre le terrorisme. Cette législation exempte également les forces de sécurité de toute poursuite judiciaire

Ainsi, entre juin 2019 et mars 2020, une cinquantaine de personnes ont été tuées, plus de cent arrêtées et des centaines d’autres blessées lors d’opérations de répression menée par les forces de sécurité.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) espère que ce procès aboutira à la réparation des torts causés au cours des évènements malheureux du 28 septembre 2009 afin de sonner le glas de l’impunité pour les attaques des manifestants en Guinée. Alors que nous exprimons nos sincères condoléances aux familles des victimes et notre soutien au procès en cours, nous exhortons vivement la junte au pouvoir à assurer la justice aux victimes des exactions commises sous son régime. Nous appelons également la junte à entamer un dialogue inclusif en vue d’une réconciliation nationale.

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