Un journaliste condamné, deux voix critiques libérés provisoirement

Le 11 mars 2024, Mohamed Youssouf Bathily, populairement appelé Ras Bath, a été condamné à une peine de 18 mois de prison, dont neuf mois ferme.

Le chroniqueur, animateur de radio, a été jugé coupable de « simulation d’infraction » pour des commentaires qu’il a émis sur la mort de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Ras Bath, qui a déjà passé un an en détention, reste derrière les barreaux sous le coup d’accusations supplémentaires telles que « association de malfaiteurs » et « atteinte au crédit de l’État ».

Son arrestation remonte à mars 2023, après qu’il eut exprimé des opinions lors d’une réunion avec le parti politique de Soumeylou Boubèye Maïga, décédé en détention un an auparavant. Ras Bath avait vivement critiqué les autorités pour avoir refusé d’évacuer l’ancien Premier ministre, malgré son besoin de soins médicaux.

Bien qu’il ait été initialement acquitté en juillet 2023 des accusations de « simulation d’infraction », il a été condamné en appel à neuf mois de prison ferme pour « atteinte au crédit de l’État ». Les demandes répétées de remise en liberté ont toutes été rejetées, citant les charges persistantes pesant sur lui et un mandat de dépôt toujours actif.

La répression s’étend au-delà des journalistes

Le colonel Alpha Yaya Sangaré de l’armée malienne, auteur d’un livre mettant en lumière des exactions de l’armée contre des civils, a été arrêté le 2 mars 2024. Son ouvrage, « Mali : Le défi du terrorisme en Afrique », publié fin 2023, a suscité la colère des militaires putschistes au pouvoir depuis 2020. Le livre cite des rapports d’organisations internationales détaillant les abus de l’armée lors d’opérations antiterroristes. À la suite de la dénonciation du ministère de la Défense, qui rejette les accusations portées dans le livre, le colonel a été placé en détention. Cette affaire intervient dans un contexte où le Mali est confronté à une crise sécuritaire, politique et humanitaire depuis 2012.

Les arrestations de chefs religieux renforcent les inquiétudes

Imam Bandiougou Traoré, a été arrêté le 4 janvier 2024 à Bamako et placé en détention pour « incitation à la violence » et « trouble à l’ordre public ». Bandiougou a été arrêté après un prêche au cours duquel il avait dénoncé l’utilisation de gros moyens pour un festival à Kayes (ville et une commune au nord-ouest du Mali), soulignant la détérioration des routes dans la région. L’imam a été libéré 11 mars 2024 après avoir été condamné à 18 mois d’emprisonnement dont 2 mois fermes et 16 mois avec sursis, ainsi qu’une amende de 500 000 francs CFA.

Avant l’imam Bandiougou, Chouala Bayaya Haïdara a été appréhendé par les autorités maliennes le 19 décembre 2023. Il a été accusé d’« atteinte au crédit de l’État et de propos tendant à troubler l’ordre public » après la publication d’une vidéo dans laquelle il critiquait vivement la détention prolongée de certaines personnalités publiques, dont l’ancien ministre Bouaré Fily Dabo Sissoko, le journaliste Ras Bath et l’influenceuse Rokia Doumbia (Rose vie chère). Haïdara a appelé les autorités à résoudre les problèmes au lieu d’emprisonner les voix dissidentes, et a déploré les coupures d’électricité persistantes qui affectent la population malienne depuis des mois. Après plusieurs tentatives le leader religieux a été provisoirement libéré le 29 février 2024 pour des raisons de santé.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement la détention prolongée du journaliste Ras Bath et insiste sur sa libération inconditionnelle. Bien que nous nous réjouissions de la libération des imams Bandiougou et Haïdara, nous demandons l’abandon de toutes les charges retenues contre eux. Ces incidents suscitent des inquiétudes quant à la liberté d’expression au Mali, illustrant la peur généralisée des citoyens de prendre position.

Le 29 février 2024, le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, a souligné avec force l’importance capitale de la liberté de la presse dans l’édification d’une société juste et équitable. Il a rappelé que cette liberté est un pilier incontestable au Mali et a encouragé les professionnels des médias à considérer le contexte sociopolitique pour élever leur métier à sa véritable noblesse.

Les maliens ne peuvent contribuer à la reconstruction de la paix au Mali qu’en participant au discours public sur les actualités du pays, et en manifestant une pluralité des voix. Par conséquent, nous exhortons les autorités maliennes à tenir leurs engagements en préservant pleinement la liberté de la presse et d’expression. La MFWA exhorte également les médias à une observation scrupuleuse de l’éthique et la déontologie du métier de journaliste.

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