Le syndicat des journalistes du Niger dénonce la recrudescence des attaques et des menaces à l’encontre des journalistes

Pour la deuxième fois en un peu plus de deux semaines, la Maison de la Presse, syndicat des journalistes nigériens, a exprimé son inquiétude quant à l’environnement de la liberté de la presse dans l’État du Sahel, suite au coup d’État du 26 juillet 2023.

A la suite des menaces et des agressions contre les journalistes par des fanatiques de partis politiques et de l’invasion des locaux des médias par des soldats après le coup d’Etat, le groupe a publié une déclaration condamnant l’état de siège contre les médias au Niger.

« Le Bureau du Conseil d’Administration de la Maison de la Presse s’inquiète surtout, dans le contexte sociopolitique actuel, des velléités d’atteintes à la liberté de la presse et la sécurité des journalistes », souligne l’association dans un communiqué publié le 28 juillet 2023.

Ce communiqué, signé par son président, Harouna Ibrahim, condamne « la prise de pouvoir par la force et la remise en cause des acquis démocratiques, chèrement acquis par le vaillant peuple nigérien. »

Le jour où ce communiqué a été publié, trois individus cagoulés ont accosté un rédacteur en chef dans son quartier et l’ont menacé de le kidnapper. Maman Hassane, rédacteur en chef du magazine Le Témoin de l’Histoire, a déclaré à la MFWA, lors d’une conversation téléphonique, qu’il avait été choqué de voir à quel point ses antagonistes le connaissaient – ils l’ont appelé par son nom et ont mentionné son adresse avant de l’avertir qu’ils allaient s’en prendre à lui. Hassane a déclaré qu’il n’avait pas signalé l’affaire à la police parce que les hommes masqués auraient pu être des policiers ou des militaires. Le journaliste a déclaré qu’il avait abandonné son domicile et était resté dans un logement loué pendant six jours, et qu’il se déplaçait depuis lors d’un endroit à l’autre. « Les séquelles psychologiques ont perturbé mon travail », a-t-il déclaré.

Puisque les attaques sont toujours aussi nombreuses, le groupe a publié un communiqué plus long et plus ferme dans lequel il réaffirme son inquiétude quant au « climat très difficile dans l’exercice de la profession du journalisme ».

Le second communiqué, publié le 13 août 2023, indique que les journalistes locaux et les correspondants étrangers font l’objet de pressions, de menaces et d’intimidations. Le climat d’insécurité est malheureusement alimenté par certains activistes nigériens qui exhortent la junte du CNSP à réprimer les médias.

Le communiqué indique également que : « Le Bureau du Conseil d’Administration de la Maison de la Presse s’inquiète surtout de l’exacerbation de toutes de toutes ces contraintes qui prèsent aujourd’hui sur les professionnels des médias qui ne peuvent réaliser, en toute liberté, des reportages sur des sujets relatifs à l’actualité politique nationale et ce, en violation des textes garantissant la liberté de la presse et d’expression au Niger. »

La déclaration se termine par un rappel au CNSP de sa responsabilité de protéger les professionnels des médias à tout moment ainsi qu’un avertissement que le groupe de journalistes exercera son droit de demander réparation en justice pour toute nouvelle atteinte à la liberté de la presse. L’indéfectible Ibrahim Harouna a quant à lui révélé dans une interview accordée à RFI que des militaires menaçaient des journalistes en raison de leurs publications.

« On en a qui ont même été appelés par des militaires pour être menacés parce qu’ils ont publié certains documents qui ne leur conviennent pas ».

Les menaces proférées par les soldats ont été confirmées par la blogueuse et journaliste Samira Sabou. Le 4 août 2023, elle a relaté qu’un soldat l’avait appelée au téléphone pour l’interroger au sujet de sa publication du message du président déchu Mohamed Bazoum. Samira Sabou a également annoncé qu’elle suspendait toutes ses publications, considérant l’action du soldat comme un « déni du droit d’exercer en toute éthique ».

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a également documenté un certain nombre de violations de la liberté de la presse depuis le coup d’État du 26 juillet 2023.

Le jour du coup d’État, des soldats ont envahi au moins cinq locaux de médias et y sont restés pendant des heures avant de les quitter. Bien qu’elle n’ait pas été violente, l’action des soldats aurait eu pour but d’intimider les médias afin qu’ils ne diffusent pas d’émissions défavorables sur le coup d’État. Les médias concernés sont Bonferey TV, Niger 24, Radio Anfani, Radio-Télévision Ténéré et Dounia TV.

Le 3 août 2023, une semaine exactement après le coup d’État, la junte a suspendu la diffusion de deux chaînes de médias françaises, France 24 et RFI, dans le pays. De ce fait, l’accès à ces deux chaînes, qui sont des filiales du groupe français France Médias Monde, a été bloqué.

Le 30 juillet 2023, des fanatiques partisans du coup d’État ont interpellé et menacé Anne-Fleur Lespiaut, reporter pour la chaîne française TV5 Monde, et Stanislas Poyet, correspondant de Le Figaro, un autre journal français. Les deux journalistes ont été menacés alors qu’ils couvraient un défilé de soutien aux nouveaux dirigeants militaires.

La MFWA est également préoccupée par l’environnement toxique dans lequel opèrent les médias au Niger. Nous soutenons fermement la fraternité des médias au Niger en ces temps difficiles et déplorons les menaces et intimidations de la part des militaires et de leurs alliés civils. Nous demandons également aux autorités de lever la suspension des deux chaînes françaises et à appeler publiquement à la cessation de l’acharnement contre les médias.

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