La Cour de Justice de la Cedeao Ordonne au Nigeria de Conformer Sa Loi Sur La Cybercriminalite a ses Obligations Internationales.

La Cour de justice de la CEDEAO a ordonné au Nigéria de modifier une partie de sa loi portant sur la cybercriminalité pour la rendre conforme à certaines lois internationales que le pays a ratifiées.

Le 25 mars, la Cour régionale de l’Afrique de l’Ouest a rendu son arrêt stipulant que la loi nigériane portant sur la cybercriminalité devait être conforme à la Charte africaine des droits de l’hommes et des peuples (CADHP) et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Le juge Keikura Bangura, qui a été chargé de lire la décision de la Cour, a déclaré que la section 24 de la loi relative à la cybercriminalité portant entre autres sur l’interdiction et la prévention, n’est pas en accord avec l’article 9 de la CADHP et l’article 19 du PIDCP.

L’arrêt de la Cour fait suite à une plainte déposée par l’organisation non gouvernementale Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP).

Dans son procès, SERAP a avancé que la section 24 était formulée de manière vague, ambiguë et illégale. L’ONG a déclaré que l’interprétation et l’utilisation répressive de cette section par l’Etat portait atteinte aux droits à la liberté d’expression, à l’information et autres droits des défenseurs des droits de l’homme, des militants, des blogueurs, des journalistes, des télédiffuseurs et des utilisateurs de médias sociaux.

Elle a particulièrement mis en avant le fait que le gouvernement nigérian ainsi que ses agents, ont fait usage des dispositions prévues par cette loi pour harceler, intimider, arrêter et détenir arbitrairement et poursuivre injustement en justice, des défenseurs des droits de l’homme, des militants, des journalistes, des télédiffuseurs, des blogueurs, et des utilisateurs de médias sociaux qui expriment des opinions considérées comme critiques à l’égard du gouvernement, tant au niveau fédéral qu’au niveau de l’État.

Dans sa plainte, la SERAP a également cité 12 cas de victimes présumées de harcèlement, d’intimidation, d’arrestation, de détention illégale, de poursuite et d’emprisonnement de journalistes et de télédiffuseurs. Parmi les victimes figurent également des défenseurs et militants des droits de l’hommes, des blogueurs et des utilisateurs de médias sociaux. Selon le procès, ces victimes avaient été maltraitées par le gouvernement fédéral nigérian et ses agents ainsi que par plusieurs États du Nigéria entre août 2015 et novembre 2018, pour un prétendu cyberharcèlement. La SERAP a par conséquent enjoint la Cour à faire des déclarations et à émettre des ordonnances qui mettront en évidence l’incompatibilité de la loi avec les dispositions prévues par la CADHP et le PIDCP.

Dans sa défense, le gouvernement nigérian a déclaré que la loi n’a pas été promulguée dans le but de réprimer la liberté d’expression au Nigéria mais plutôt dans le but de mettre un frein aux activités des criminels sur Internet. Il a par conséquent, enjoint la Cour à rejeter la plainte en faisant valoir qu’elle était déplacée et non fondée et que les réparations demandées par la SERAP ne pouvaient être accordées en vertu de la loi.

L’État a en outre indiqué qu’il y avait une requête sur la même affaire devant son tribunal national demandant les mêmes réparations et a ajouté que l’interprétation de la section 24 de la loi doit être soumise aux tribunaux nationaux et non à la Cour de justice la CEDEAO car cela ne révèle pas de sa juridiction.

Le gouvernement nigérian a soutenu que la loi portant sur la cybercriminalité était conforme à la section 45 de la constitution de 1999 du Nigéria et qu’elle avait été soumise aux processus constitutionnels et juridiques requis. Il a ajouté que la SERAP était au courant du processus menant à l’adoption de la loi mais n’a pas protesté contre l’adoption.

Dans son arrêt, la Cour a répondu à l’argument de la défense du Nigéria selon lequel l’interprétation de la section 25 ne relevait pas de sa juridiction. La Cour a déclaré qu’elle avait dans une multitude de jugements, confirmé que la simple allégation de violation des droits de l’homme était suffisante pour invoquer son mandat en matière de droits de l’homme conformément à l’article 9 (4) du Protocole additionnel. Elle a déclaré que cela était possible du moment que deux conditions d’accès à la Cour étaient remplies, à savoir que la requête n’était pas anonyme et que l’affaire n’était pas présentée devant une autre juridiction internationale.

La Cour a rejeté la demande de la SERAP concernant les 12 cas de victimes présumées de harcèlement, d’intimidation, d’arrestation, de détention illégale et de poursuites judiciaires et a déclaré que l’organisation n’avait pas fourni de preuves des abus subis par les personnes listées. La Cour a également rejeté la demande de d’indemnisation de la SERAP et a condamné les deux parties à supporter leurs frais.

La MFWA se réjouit de l’arrêt de la Cour et enjoint le gouvernement nigérian à prendre des mesures immédiates pour modifier la loi de 2005 portant sur la cybercriminalité, afin qu’elle soit conforme aux dispositions prévues par la CADHP et le PIDCP dans le but de garantir la protection et la jouissance des droits à la liberté d’expression sur Internet.

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