Nigeria : Des journalistes libérés après une semaine en détention pour des publications sur WhatsApp

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) se réjouit de la libération de Abdulrasheed Akogun et Dare Akogun, deux journalistes nigérians harcelés pour avoir posté des messages critiques dans un groupe WhatsApp.

Les journalistes, qui sont également frères, ont été libérés sous caution le 19 octobre 2022 par un tribunal de première instance d’Ilorin, dans l’État de Kwara après six jours de détention.

Dare Akogun, journaliste de la station privée Sobi 101.9FM, a été arrêté le 13 octobre 2022, aux côtés de son frère, Abdulrasheed Akogun, également journaliste du site d’information Fresh Insight, après que les deux hommes aient publié sur WhatsApp des allégations de corruption à l’encontre d’un assistant du gouverneur de l’État. L’arrestation a eu lieu sur ordre de Rafiu Ajakaye, l’attaché de presse en chef de M. Abdulrahman Abdulrazaq, gouverneur de l’État de Kwara.

Dans une plainte déposée le 6 octobre 2022, l’assistant du gouverneur avait affirmé que les deux journalistes ont posté dans Kwara Commission, un groupe WhatsApp, des commentaires l’accusant d’avoir détourné une somme de 15 million de Naira (environ 34.300 dollars américains) du trésor public pour influencer les résultats d’une élection qui avait récemment été tenu au sein de l’Union des journalistes du Nigéria (Nigeria Union of Journalists, NUJ) et à laquelle Dare s’était présenté comme candidat au poste de président.

Ajakaye a déclaré que les frères ont fait ces commentaires le 30 septembre 2022, et a qualifié leur allégation de mensongère. Il les a accusés « d’incitation au trouble, d’atteinte au crédit et de diffamation criminelle ».

Suite à la plainte d’Ajakaye, la police a convoqué les journalistes le 7 octobre 2022 pour qu’ils rencontrent Steve Yabanet, le commissaire de police adjoint du département des enquêtes criminelles du commandement de la police nigériane de l’État de Kwara.

Le 13 octobre 2022, lorsque les journalistes ont honoré l’invitation de la police, on leur a demandé d’écrire une lettre d’excuses à Ajakaye et de retirer les commentaires qu’ils ont posté sur WhatsApp. Ils ont toutefois opposé un refus quant au fait de présenter des excuses, car cela reviendrait à admettre que les accusations d’atteinte au crédit et de diffamation criminelle sont vraies. Ce refus de se plier à l’injonction de la police a conduit à leur détention six jours avant d’être libérés sous caution, le 19 octobre 2022.

Après leur libération, Dare a tweeté qu’il était prêt à laisser derrière lui, l’incident qui, selon lui, a fait de lui une meilleure personne.

« J’ai tiré une leçon très importante de cette expérience, non seulement parce que j’ai survécu mais aussi parce que j’en suis sorti un homme changé et meilleur. Le passé est comme une tombe, et cela n’a aucun sens de passer sa vie à vivre dans une tombe », a-t-il déclaré.

Le responsable de l’information et de l’actualité de Sobi 101.9FM, Adebayo Abubakar, a déclaré à un site d’information en ligne, l’International Center for Investigative Reporting (ICIR), que les frères ont choisi d’aller en justice plutôt que de présenter des excuses à Ajakaye.

Ajakaye, répondant aux inquiétudes concernant les violations des droits des journalistes, a déclaré qu’il faisait confiance à la police, qui est suffisamment professionnelle pour connaître les limites de la loi.

« Je leur fais confiance [à la police] pour respecter la loi dans le cadre de leurs rapports avec tout citoyen, y compris l’accusé et moi-même, qui ai dû faire face au traumatisme d’avoir été injustement calomnié sur une plateforme publique », a déclaré Ajakaye à l’ICIR.

Cependant, en réponse à la détention de leur employé, la direction de Sobi 101.9FM a déclaré que l’action de la police était un exemple classique d’utilisation de l’appareil d’État pour intimider les journalistes.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) se félicite de la libération de Dare et Abdulrasheed et condamne fermement leur détention arbitraire. Arrêter des journalistes comme de vulgaires criminels et les détenir arbitrairement pour diffamation est une régression pour un pays démocratique où la diffamation criminelle a été abrogée par la jurisprudence.

Share this story!

Related Stories