Dix Personnes Tuées, des Journalistes Maltraités, Internet Perturbé lors des Elections Controversées en Guinée

Une dizaine de personnes auraient été tuées, plusieurs auraient été arrêtées, dont un journaliste, et l’internet a été perturbé alors que les autorités guinéennes procédaient à des élections législatives et à un référendum sur la suppression de la limitation des mandats, au milieu de vives protestations des principaux partis d’opposition.

Avant les élections, plusieurs signaux d’alarme ont été lancés concernant d’éventuelles violences, alors que des mois de répression sanglante contre les opposants aux ambitions du président Alpha Condé pour son troisième mandat avaient déjà entraîné la mort de 42 manifestants.

Deux jours avant le scrutin, trois des sociétés de télécommunications du pays ont annoncé séparément que les appels internationaux et la connexion Internet seraient interrompus à la veille des élections et le jour du scrutin en raison de travaux de modernisation des câbles sous-marins. A la veille des élections, (21 octobre 2020) Netblocks a rapporté dans un tweet que « les médias sociaux ont été bloqués par #Guinea les principaux fournisseurs d’Internet de Guinée, Orange et MTN, à la veille des élections législatives ; les données du réseau en temps réel confirment Twitter ; Facebook, Instagram maintenant coupé et WhatsApp restreint ; incident en cours ».

Sous couvert de l’obscurité numérique, les forces de sécurité guinéennes ont procédé à l’un des plus lourds bilans de morts en une seule journée depuis le début des affrontements en juin 2019.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition d’organisations de la société civile et de partis politiques coordonnant la résistance nationale contre le président Condé, a publié une déclaration à la clôture des élections le 22 mars 2020 dans laquelle il déplore la répression brutale des forces de sécurité contre ses partisans et ses dirigeants. Le FNDC a nommé les personnes suivantes comme étant celles qui sont mortes le jour des élections, dans un bain de sang :

Diallo Nassouralaye, 18 ans ; Boubacar Diallo, 35 ans ; Thierno Oumar Diallo ; Thierno Hamidou Barry, 25 ans ; Hafiziou Diallo, 28 ans ; Mamadou Oury Diallo, 23 ans ; Mamadou Bailo Diallo, 12 ans ; Ousmane Barry, 23 ans ; Issa Yero Diallo, 29 ans ; Thierno Mamadou Barry, 20 ans.

« Dans l’esprit de l’article 21 de la Constitution qui prescrit la résistance à l’oppression, les jeunes se sont levés courageusement pour dire non à ce crime ; et mille fois plutôt qu’une. Ils ont bravé les balles des policiers qui en ont arrêté beaucoup, tiré sans discernement, brutalement agressé et tué au moins dix personnes, blessant plusieurs dizaines de personnes par balles », indique le FNDC dans sa déclaration.

Du matériel électoral a été vandalisé à Loppet, Gaoual, Kindia, Gaoual Central, Koumbia, Kakoni, Garaya, Madina, tandis qu’un isoloir a été incendié à Nzerekore, de même que Télimélé où les agents électoraux ont été contraints de fuir.  Face aux menaces de jeunes en colère pour disperser le processus de dépouillement des votes dans les bureaux de vote 1 et 2 situés à l’école primaire de Tougué, les militaires ont été appelés à escorter les bulletins de vote jusqu’au camp militaire pour le dépouillement.  Des menaces similaires ont forcé les agents électoraux de Labe à porter les bulletins de vote au bureau du gouverneur pour le dépouillement sous haute sécurité.

Dans la matinée du 22 mars 2020, un groupe de journalistes qui couvrait les élections a été attaqué par des jeunes hostiles qui protestaient contre les élections à Sonfonia Casse, dans le quartier de Ratoma à Conakry.

L’un des journalistes, Mohamed Doré, reporter de Guinéematin.com, a été blessé à la tête lorsqu’il a été frappé avec un objet métallique par un jeune en colère qui a déclaré que la couverture médiatique revenait à donner une légitimité au processus. Les autres journalistes attaqués sont Thierno Sadou Diallo de Médiaguinée, Amadou Oury Baldé de Radio Bonheur FM, Mariama Ciré Diallo de Ledjely.com et Maimouna Barry de Média d’Afrique.

Dans un autre incident, la police a arrêté Amadou Tidiane Diallo, un journaliste du site d’information Objectif224 à la veille des élections et l’a détenu jusqu’au lendemain.

Diallo couvrait les affrontements à Bambeto, Conakry, entre certains jeunes protestataires et les forces de sécurité qui avaient été déployées à travers le pays le 21 mars 2020. Manifestement mal à l’aise avec le fait que le journaliste ait filmé leurs brutalités, la police l’a arrêté et l’a emmené au bureau des enquêtes criminelles où il a été détenu toute la nuit. Diallo a été libéré le jour suivant après une clameur des médias.

Les violences enregistrées pendant les élections ont été condamnées par les organisations et les militants des droits de l’homme en Guinée et à l’étranger.

Dans un entretien téléphonique avec le site d’information Guineematin.com, le président de l’organisation guinéenne des droits de l’homme, Abdoul Gadiry Diallo, a déclaré qu’il demanderait que les auteurs des violations flagrantes soient poursuivis.

« Nous allons produire un rapport complet sur ce que nous avons documenté, et surtout, essayer d’utiliser les mécanismes judiciaires qui existent pour exiger que l’État crée les conditions nécessaires pour poursuivre les responsables de ces crimes. Ce sont des exigences fondamentales sur lesquelles nous ne devons pas hésiter », a conclu M. Diallo.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest condamne également sans ambages l’usage excessif de la force contre les civils, qui a fait dix morts. Quoique les jeunes opposés à la tenue des élections semblent avoir fait preuve d’un certain degré d’agressivité, le fait de prendre délibérément pour cible des manifestants civils avec des balles réelles est inacceptable. Étant donné l’échec du gouvernement guinéen à lutter contre l’impunité pour de tels crimes au fil des ans, le MFWA exhorte la communauté internationale à exiger et à garantir la justice pour les victimes et la responsabilité des forces de l’ordre.

Nous condamnons également les violations perpétrées à l’encontre des journalistes par les forces de l’ordre et les civils et demandons instamment aux autorités d’enquêter et de punir les coupables.

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