Côte d’Ivoire : Journaliste d’investigation poursuivi pour diffamation

Le journaliste d’investigation Noël Kouadio Konan a été arrêté le 29 juin 2022, sur plainte de la NSIA Banque suite à une publication qu’il a faite sur son compte Twitter. Il informait l’opinion publique d’une supposée affaire scandaleuse de vol qui impliquerait ladite banque à travers son agence de Daoukro (ville située au centre de la Côte d’Ivoire). 

Dans la publication, le journaliste a déclaré que, selon les informations en sa possession, l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié aurait été victime de vol évalué à environ 7 milliards francs CFA (environ 10,763,760 de dollars américain).  Le journaliste annonçait aussi que le directeur de ladite banque avait été débarqué. 

La publication a suscité l’ire de la Direction Générale de NSIA Banque, qui l’a démentie and l’a accompagné d’une poursuite au pénal.  

« A la suite des graves allégations publiées par M. Noël KONAN (journaliste) sur internet et les réseaux sociaux, la Direction Générale de NSIA Banque CI dément, avec la plus grande fermeté, l’accusation de vol mettant en cause des collaborateurs de la Banque », a déclaré la banque sur sa page  LinkedIn.  

« La banque se réserve « le droit de poursuivre toute personne qui contribuerait de près ou de loin à la diffusion de telles informations diffamatoires sur son activité ».  

Noël Konan a rapporté à la MFWA que le jour de son tweet, le chef d’agence de NSIA Banque de Daoukro a insisté qu’il vienne le rencontrer sous prétexte que l’ancien président Henri Konan Bédié souhaiterait s’entretenir avec lui sur cette affaire. 

« J’avais hésité un moment puisque je n’avais pas pris de dispositions, mais sur insistance, j’ai fini par céder et je suis arrivé à Daoukro aux alentours de 23 heures. Il est venu me chercher à la gare et il m’a envoyé directement dans un hôtel où il avait déjà réservé la chambre ».  

« Quand on s’est assis, il y a un des membres de sécurité de l’ex-président qui est venu à la table, et commissaire de police la ville de Daoukro. Ils ont commencé à me dire qui m’a donné l’information ». 

Selon Konan, puisqu’il n’avait pas révélé sa source, le commissaire de police de la ville de Daoukro l’a interrogé pendant plusieurs heures tard dans la nuit avant de lui faire comprendre qu’une plainte a été porté contre lui pour diffamation. Il a été convoqué au commissariat de police, plus tard le lendemain, pour y être interrogé davantage. 

Le journaliste a confié à la MFWA qu’après l’audition, le commissaire lui a demandé de se concerter avec le chef d’agence de la banque. Ce dernier a dit qu’il allait retirer sa plainte si le journaliste faisait un autre tweet pour repréciser que ses propos ont été déformées. Konan obtempéra. 

« Suite à mon tweet d’hier relatif à un vol dont l’ex-président, Henri Konan Bédié aurait été victime, je constate que le relais de mon tweet sur les réseaux sociaux a été déformé et mettait en cause le chef d’agence de NSIA Banque de Daoukro. Alors qu’il n’en était rien », peut-on lire dans la publication du journaliste, le 30 juin 2022, dénonçant ainsi son premier tweet. 

Nonobstant sa dénonciation, la Banque n’a pas retiré sa plainte. 

Le 13 juillet 2022, Noël Kouadio Konan a été cité à comparaitre par la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) « pour les faits de diffamation sur les réseaux sociaux ». Le journaliste a été interrogé pendant plus de 8 h de temps, sans avocat, à la Direction de l’information et des traces technologiques (DITT) d’Abidjan (capitale de la Cote d’Ivoire). Le journaliste a été placé en garde à vue à la police où il a passé la nuit. Konan a été libéré le lendemain, vers midi, après la mobilisation de plusieurs organisations médiatiques qui ont décrié l’abus de ses droits.  

Bien qu’il ait bénéficié du soutien moral de plusieurs organisations, le journaliste a affirmé qu’il a été beaucoup marqué par cet incident.  

« Je ne souhaite jamais à quelqu’un d’autre de vivre des moments pareils, parce que quand c’est comme ça, vous êtes atteint psychologiquement, physiquement et mentalement. Surtout quand c’est pas pour des délits de droit commun où vous avez volé ou tué quelqu’un. Non, c’est pour avoir écrit ou commis une faute dans l’exercice de votre fonction. Vraiment, c’est difficile », a confié le journaliste à la MFWA.

M. Konan est invité à se présenter à nouveau devant le parquet d’Abidjan le 18 juillet 2022 pour les mêmes charges.

La MFWA condamne fermement le harcèlement ainsi que la détention illégale de Noël Konan. Nous exhortons vivement les autorités de la Cote d’Ivoire à mener des investigations et sanctionner les responsables des abus répétitifs commis contre le journaliste. A titre de rappel, la loi N° 2017-867 du 27 décembre 2017 portant régime juridique de la presse en Côte d’Ivoire stipule en son Article 89 que « la garde à vue, la détention préventive et la peine d’emprisonnement sont exclues pour les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication, sous réserve de toute autre disposition légale applicable ». 

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