Récit de violations: Le Bénin au Bord de l’Infamie de la Liberté d’Expression

Le Bénin, longtemps considéré comme un pays modèle du respect des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest, a récemment défrayé la chronique et a suscité d’énormes inquiétudes au sein de la communauté des défenseurs de la liberté de la presse et  des droits de l’homme.

Les événements survenus dans le pays au cours du mois écoulé, y compris une coupure de 24 heures  d’internet, une répression brutale des manifestants et l’arrestation, la détention et la poursuite d’un journaliste pour ses opinions défavorables sur l’économie du pays, ont peint l’image du Bénin gravement avilie par rapport à la liberté d’expression et aux vues des défenseurs des droits de l’homme.

Le 1er  Mai 2019, les forces de sécurité ont tué deux manifestants et blessé de nombreuses personnes qui protestaient contre les élections législatives qui ont été organisées la veille de façon unilatérale.

Le 18 Avril 2019, la police a pris d’assaut la maison de Casimir Kpedjo, responsable du magazine en ligne privé Nouvelle Economie, et l’a gardé en détention. Le journaliste a été traduit devant un tribunal le 23 Avril 2019 pour diffusion de fausses informations sur l’économie du Bénin.

Le 28 Avril 2019, les autorités ont coupé l’internet lorsque la tension montait autour des élections législatives dont tous les candidats de l’opposition se sont vus disqualifiés.

Les derniers incidents portent à 14 le nombre de violations de la liberté d’expression qui se sont produites au Bénin depuis l’entrée en fonction du Président Patrice Talon en Avril 2016. Voici les 11 autres incidents:

Le 26 juillet 2018, l’organe de régulations des médias, la Haute Autorité de l’Audiovisuel (HAAC), a suspendu pour une durée indéterminée les publications du journal privé La Nouvelle Tribune. C’était la deuxième fois que l’organe de régulation suspendait le journal. La direction du journal a finalement obtenu le droit de reprendre ses activités le 16 mai 2019, suite à un recourt en procès devant un tribunal  d’appel qui  a annulé la décision de la HAAC et ordonné à l’organe de régulation de lever la suspension.

Le 23 Mai 2018, la HAAC a suspendu le journal La Nouvelle Tribune pour une durée indéterminée après l’avoir accusé d’avoir porté atteinte au chef de l’État.

En Mars 2018, Modeste Toboula, le préfet du Département du Littoral, a annoncé l’interdiction de toutes les manifestations publiques. La décision fut toutefois annulée par la cour constitutionnelle le 22 mai 2018.

Le 23 Février 2018, la HAAC a suspendu le journal Audace Info ainsi que sa publication en ligne pour un article considéré comme une insulte au président du Bénin, Patrice Talon.

Le 23 Janvier 2018, deux journalistes, Emmanuelle Sodji et Wilfried Codo, ont été arrêtés et agressés par des enseignants du collège l’Océan de Cotonou qui se sont mis en grève. Les journalistes couvraient la grève.

Le 12 Novembre 2017, la direction du site d’informations Le Pharaon s’est plainte de ce que l’accès à leur site ait été bloqué sur ordre présumé des autorités.

Début octobre 2017, les fréquences de deux stations de radio, Soleil FM et Capp FM, étaient respectivement brouillées et piratées aux heures de grande écoute. Les autorités ont nié toute ingérence, mais les coupables n’ont pas été identifiés.

Le 17 Février 2017, des étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi, réunis à l’hôtel Le Refuge pour une assemblée générale et une conférence de presse sur l’interdiction de la tenue des réunions et manifestations par les autorités sur les campus publiques, ont été brutalisés et violemment dispersés par la police.

Les 28 et 29 Novembre 2016, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), organe de régulation des médias, a ordonné la fermeture des chaînes de télévision E-TV, Eden TV et Radio Soleil FM pour «délocalisation» de leurs zones respectives. D’autres médias tels que Sikka TV, Christian TV, Unafrica TV, TV Beninoise ont également été fermés pour diverses raisons. L’action était en contradiction avec l’article 46 de la loi organique de la HAAC, qui les obligeait à aviser préalablement les organes de presse avant de les fermer.

Le 5 Octobre 2016, le gouvernement a interdit toutes activités d’associatives estudiantines sur tous les campus  publiques, une décision qui violait le droit constitutionnel des étudiants à la liberté de réunion et de manifestation. L’interdiction est restée en vigueur pendant près d’un an. Elle a été levée le 2 Octobre 2017.

Considérant que le paysage de la liberté de la presse et de la liberté d’expression au Bénin était l’un des meilleurs de la région ces derniers temps, la gravité des 14 violations recensées au cours des trois dernières années constituent d’énorme aberration vis-à-vis du respect des droits de la liberté d’expression dans le pays.

Lorsque le Président Talon est entré en fonction le 6 Avril 2016, la Fondation des Medias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) l’a exhorté à accorder une priorité aux questions de liberté d’expression dans le pays et à consolider les progrès du pays dans ce sens.

La récente vague de violations, en particulier la coupure d’internet et les poursuites engagées contre un journaliste pour son analyse critique de l’économie du pays, ne donnent pas l’image d’un gouvernement engagé à préserver la culture de tolérance du Bénin pour la liberté d’expression.

Par conséquent, la MFWA exhorte le président Talon à s’attaquer à personnellement aux récentes violations et à prendre des mesures pour qu’elles ne se reproduisent plus. Nous renouvelons également notre appel au gouvernement béninois pour qu’il abandonne toutes les charges retenues contre le journaliste Casimir Kpedjo.

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