La COVID-19 Provoque une montée des Attaques a l’endroit des Journalistes et des Organes de Presse en Afrique de l’Ouest

Dix journalistes dans six pays d’Afrique de l’Ouest ont subi des attaques physiques, des menaces, des détentions ou ont été licencié, et trois organes de presse ont été attaqués à la suite de divers incidents liés à la pandémie de COVID-19 de mai à août 2020.

Lors des mois de mars et avril 2020, la MFWA a enregistré une série de répression liée à la pandémie à l’endroit des médias. Le monitoring continue des médias et de la COVID-19 entreprit par la MFWA et ses partenaires nationaux à travers l’Afrique de l’Ouest montre que les médias continuent de souffrir des dommages collatéraux dans la lutte contre la pandémie comme le montrent les incidents ci-dessous.

Libéria

Le 7 mai, des agents de sécurité chargé de la mise en œuvre des mesures restrictives de la COVID-19 au point de contrôle Slip Way à Monrovia, ont interpellé Christopher Walker, un journaliste de FrontPageAfrica, alors qu’il rentrait chez lui après son travail. Walker a montré sa carte professionnelle et un laissez-passer pour montrer qu’il était journaliste. Cependant, la police a rejeté ces documents tout en insistant que le journaliste présente un autre laissez-passer controversé signé par le Ministre Adjoint de l’Information et qui annule la validité du laissez-passer précédent permettant aux journalistes de circuler lors du confinement et du couvre-feu imposé en raison de la COVID-19. Les policiers ont finalement agressé le journaliste et l’ont détenu.

Le 20 mai, le chef du Liberia Drug Enforcement Agency (LDEA), Jerry Blamo, a accusé le journaliste Sunny Blar d’avoir enfreint au couvre-feu COVID-19 et l’a attaqué. Sunny Blar, qui travaille pour le Réseau de Communication de Développement (DCN) FM 91,3 à Cestos, dans le comté de River Cess, était sorti des locaux de la station de radio pour acheter de l’eau juste en face de la rue. L’officier a fouetté Blar alors que le journaliste a montré sa carte de presse.

La troisième et dernière violation liée à la COVID-19 au Libéria s’est produite le 23 mai, lorsque Trojan Kaizolu, un journaliste de Fabric Radio, a été battu et placé en détention par la police pour ne pas avoir porté un masque. L’Inspecteur Général adjoint de la Police (IGP) chargé des opérations, Melvin Sackor, a ordonné à ses hommes de fouetter le journaliste alors que ce dernier rentrait chez lui tard dans la nuit. Sur les ordres de l’officier supérieur, le journaliste battu a été embarqué dans une camionnette de police et emmené au poste de police voisin où il a été détenu.

L’inspecteur général adjoint de la police (IGP) s’est par la suite excusé auprès de Trojan Kiazolu après que l’ Union de la Presse du Libéria (PUL) a négocié une médiation entre les deux parties.

Nigeria

Le 4 mai, la rédactrice en chef de la radio IBC Orient FM, Vivian Ottih, a lancé un appel sur Facebook pour le paiement des arriérés de salaire du personnel du dit média. Une fois l’appel lancé la journaliste a été limogé par les autorités du média. Les salaires des employés de la station radio pour les mois de mars et avril 2020 n’avaient pas été payés en raison de la baisse des revenus due à la COVID-19.

Le 4 juin, Saint Meinpamo Onitsha de Naija Live TV a été arrêté par le Département des services d’État du Nigéria après avoir signalé l’effondrement d’un centre dédié à l’isolement des patients de la COVID-19 dans l’État de Kogi.

Le 3 août, quatre policiers ont physiquement agressé Siriku Obarayese, correspondant du journal privé Daily Post alors qu’il couvrait la mise en œuvre des restrictions de la COVID-19 à Oshogbo, dans l’État d’Osun. Obarayese a déclaré qu’Adebayo Adeleke, un commissaire d’État, avait ordonné à ses  officiers de l’attaquer.

Sénégal

Tard dans la nuit du 19 mai, un groupe de jeunes a attaqué le directeur de la publication du journal Wa Grand Place, Moussa Guèye à Santhiaba dans la ville de Rufisque. L’attaque a été si soudaine et brutale que Gueye n’a pas eu le temps d’expliquer au groupe de jeunes chargés d’assurer le respect des mesures restrictives du fait de la COVID-19, qu’il était un journaliste et qu’il n’enfreignait pas au couvre-feu.

Le 2 juin, un group d’individus lors d’une manifestation contre les mesures restrictives de la COVID-19, a attaqué le siège de RFM Radio basé à Mbacké, à 198 km de Dakar. L’attaque a endommagé plusieurs équipements de la radio appartenant au célèbre chanteur et ancien ministre Youssou N’Dour.

Le 3 août, un groupe de fanatiques religieux a envahi et vandalisé les bureaux du quotidien sénégalais Les Echos à Dakar, causant d’importants dégâts matériels. L’attaque est intervenue suite à un reportage du journal selon lequel un chef religieux influent, Serigne Moustapha Sy, avait été testé positif au COVID-19 et avait été admis à l’hôpital principal de Dakar.

Mauritanie

Le 3 mai, les autorités ont arrêté un blogueur, Mommeu Ould Bouzouma, suite à un tweet dans lequel il a qualifié «d’erratique» la mise en œuvre du confinement COVID-19 dans le district de Tiris Zemmour. Bouzouma, qui est également le correspondant du site d’information Alakhbar.info à Zouerate, a été libéré après avoir passé 12 jours en détention.

Le 2 juin, la police a arrêté Salma Mint Tolba, l’auteur présumé d’une série d’enregistrements audio remettant en question certains aspects de la riposte du gouvernement a la COVID-19. Elle a notamment accusé les autorités d’augmenter le nombre d’infections. Deux autres personnes, Mohamed Ould Semmane et Sidi Mohamed Ould Beyah, soupçonnées d’avoir participé à la diffusion de l’audio, ont également été arrêtées.

Gambie

Le 21 juin 2020, la police a arrêté Ebou N.Keita, un monteur et caméraman de la télévision privée Gambian Talents Television après l’avoir repéré en train de les filmer alors qu’ils réprimaient des manifestants. En effet la police arrêtait les personnes qui protestaient contre les restrictions misent en place pour lutter contre la COVID-19.

Ghana

Emmanuel Ohene Gyan, journaliste d’Empire FM dans la région Ouest du Ghana, a reçu des menaces de la part de proches du Maire (MCE) de Sekondi-Takoradi à la suite de sa publication en ligne sur la mort de ce dernier le 12 juin, 2020 après avoir testé positif à la COVID-19.

Guinée

Le 15 juin 2020, un groupe de gendarmes a pris d’assaut les locaux de Radio Kalac FM, qui diffuse à Kankan, et l’ont fermé. La station de radio a été accusée d’avoir bafoué un ordre des autorités qui consistait à ne pas donner des heures d’antennes à Karamo Cheick Souleymane Sidibé, un influent religieux que les autorités avaient sanctionné pour avoir organisé en masse un sermon contre les protocoles COVID-19 dans sa maison.

Dans la même période, trente-deux journalistes auraient été testés positifs à  la COVID-19 en Guinée depuis mars 2020. De plus, des pertes de revenus drastiques ont obligé les propriétaires de médias à suspendre le processus d’adoption d’une convention collective. L’accord était censé garantir un salaire minimum décent, des congés annuels, un développement professionnel, une assurance maladie, un voyage d’étude et une aide juridique aux hommes de presse. Les propriétaires de médias ont souligné que les pertes financières qu’ils ont subies à cause de la COVID-19 rendent impossible la poursuite du processus.

Les attaques envers les professionnels des médias ont le potentiel de saper le rôle important que jouent les médias dans la lutte contre la COVID-19 dans divers pays et au niveau mondial. Dans son message de solidarité à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse du 3 mai 2020, la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a souligné l’importance des médias pendant la crise de COVID-19 et a mis en garde contre les violations de la liberté de la presse.

« Dans un monde aussi profondément interdépendant comme démontré par cette crise, toute menace ou attaque à l’endroit de la diversité de la presse, la liberté de la presse et la sécurité des journalistes nous concerne tous. Aujourd’hui, je souhaite appeler à ce qu’on redouble efforts. En ce moment crucial et pour notre avenir, nous avons besoin d’une presse libre et les journalistes doivent pouvoir compter sur nous tous. »

La MFWA déplore ces attaques contre les journalistes et les maisons de presse et réitère son appel à une plus grande collaboration entre les médias et les forces de l’ordre appliquant les mesures restrictives et protocoles adoptés dans le cadre de la COVID-19. À cet égard, nous exhortons les différents États à sensibiliser les forces de l’ordre sur les garanties constitutionnelles de la liberté de la presse et au devoir de l’État en vertu de divers protocoles internationaux qui visent à protéger les journalistes contre les agressions physiques, les arrestations arbitraires et les détentions.

Nous exhortons également les propriétaires de médias à former leur personnel afin que ces derniers puissent mieux comprendre et gérer les questions de sécurité associée aux reportages sur la pandémie, en particulier lorsqu’ils couvrent les opérations des forces de sécurité impliquant le recours à la force.

Enfin, la MFWA salue les sacrifices et efforts consentis par les journalistes pour soutenir les efforts des gouvernements dans la lutte contre la pandémie du COVID-19, malgré les nombreux risques et contraintes. Nous les encourageons à persévérer et à continuer d’innover afin de survivre à la pléthore des défis portant sur la sécurité et la durabilité des médias en cette période de la pandémie de coronavirus.

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